JO 2024 : Afrique, terre de contrastes

Publié le par DOUCET PHILIPPE, actualisé le

L’accession de l’Egypte et du Maroc en demi-finale du tournoi masculin a de quoi valoriser les performances du football africain durant ces Jeux Olympiques de Paris 2024. Mais il faut aussi évoquer les défaillances du Mali et de la Guinée chez les garçons, comme du Nigeria et la Zambie dans le tournoi féminin. Contraste garanti !

En écrasant les Etats-Unis (4-0), le Maroc a lancé une solide « hype » dans ce tournoi olympique. Il faut dire que cela fait suite à une demi-finale de Coupe du monde, tout simplement. Bien sûr, ce ne sont pas les mêmes joueurs que lors de Qatar 2022. Mais le symbole Hakimi, capitaine de cette sélection olympique, donne immédiatement du crédit à l’implication marocaine dans ce tournoi.

On accordera également crédibilité à l’Egypte, experte en compétitivité dans ce type de tournois où stratégie et calcul peuvent s’avérer déterminants. Et ouvrir la voie des demi-finales sans impressionner plus que cela. Et quand elle ne peut pas gagner, comme face au Paraguay en quart de finale, elle sait au moins ne pas perdre et atteindre les tirs au but… L’Egypte, quoi !

Est-ce que, pour autant, à l'aube des demi-finales, doit-on considérer que le football africain sort renforcé de ce tournoi olympique ? Evidemment, il faut attendre le verdict car une finale, voire un succès comme le Nigeria en 1996 ou le Cameroun en 2000 redonnerait une toute autre dimension aux parcours du Maroc ou de l’Egypte.

Cameroun, Jeux Olympiques 2000, médaille d'or
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Une compétition sur mesure pour l’Afrique

Mais il faut déjà nuancer et éviter les comparaisons avec une épreuve comme la Coupe du monde. Compter deux demi-finalistes est une superbe performance, mais infiniment plus abordable qu’en Coupe du monde. En effet, l’Afrique comptait quatre équipes en phase finale sur 16 places. Une proportion que même un dixième qualifié (après barrages) à la Coupe du monde 2026 ne pourrait offrir à l’Afrique.

A la limite, le tournoi est presque autant marqué par les performances des Européens qui compte deux demi-finalistes sur… trois engagés. Eux qui n’ont plus remporté ce tournoi depuis l’Espagne en… 1992 ! On ajoutera que si on en croit les titres mondiaux en U17, en U20 (Nigeria, Ghana) et donc aux J.O, la formule U23 se devait d’être favorable aux équipes africaines.

De plus, à l’heure du bilan, il faudra aussi revenir sur les vraies déceptions. Tout d’abord, côté féminin où l’Afrique ne montre pas une once de progrès. Dans un environnement moins compétitif que le foot masculin, il est indéniable que l’Afrique paie son manque de travail et d’implication. Le récent et négligeant report de la CAN 2024 à l’an prochain en est un vrai et criant symbole. Et les résultats aux JO font tache. La Zambie et le Nigéria n’ont même pas inscrit le moindre point durant la phase de groupe.

Nigeria, équipe féminine, JO 2024
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Un foot féminin en berne

On pourra avoir un peu de circonstances atténuantes pour la Zambie, nation montante du football féminin africain. Déjà présentes à Tokyo 2021 et à la dernière Coupe du monde, les Copper Queens ont même éliminé le Maroc pour se qualifier. Et elles ont montré un soupçon de talent, mais aussi manqué singulièrement d’expérience en s’inclinant contre l’Australie (5-6 !), après avoir mené 5-2 !

La régression nigériane est malheureusement encore plus symptomatique. Alors que les Super Falcons ont gagné onze fois la CAN et accumulé les participations à la Coupe du monde. Un peu comme chez les hommes dans les années 90, elles ont même laissé alors l’impression qu’une équipe africaine pourrait bientôt être championne du monde féminine. A travers un quart de finale mondial en 1999 et un autre aux J.O de 2004. Au lieu de quoi, l’absence de travail fédéral aboutit à une régression. Et à trois claires défaites en ce tournoi olympique…

Mais revenons au tournoi masculin et pas seulement sur ce qui a bien marché. Car, évidemment, on attendait bien mieux du Mali et de la Guinée. Fousseini Diawara, adjoint de Kaba Diawara avec le Syli National (3 défaites en France), ne cherche pas d’excuses. « Il faut dire les choses. Les joueurs guinéens ont des qualités. Mais ils manquent d’ambition. Ils se contentent de trop peu. » Un reproche commun avec les Maliens (1 point dans ce tournoi) qui n’ont pas su davantage aller chercher plus haut.

Manque d’ambition !

« Lors de la préparation, nous avons battu l’Argentine considérée l’un des favoris, continue Diawara. Un petit hold-up (1-0) mais qui a réussi à créer une grande dose d’optimisme et un relâchement. Malgré nos discours aux joueurs. Finalement, c’est un peu le même constat que lors de la CAN. Où notre tournoi s’est arrêté après la qualification historique en quart de finale. Il y a du talent en Guinée, mais il faut viser plus haut. Et ne pas se contenter du minimum. »

Quelques jours plus tard, la Guinée entamait presque toutes ses chances en s’inclinant contre une Nouvelle-Zélande à sa portée (1-2). Pourtant, elle a ensuite fait un remarquable match contre la France où elle aurait mérité un tout autre résultat (0-1). Mais le parcours s’est terminé par le pire. Quasi éliminé, le Syli n’a pas réussi à se reprendre devant 3 000 spectateurs face aux USA (0-3).

France, Guinée, Jeux Olympiques, Maghnes AKLIOUCHE
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Disette devant le but !

Un bilan décevant mais qui s’explique aussi en profondeur. Toujours Fousseini Diawara : « Notre préparation a été de qualité, mais bien trop courte (10 jours) si on compare à l’équipe de France, par exemple. Parce que nous sortions à peine des matches avec l’équipe A en juin. Bien sûr, il y a eu tous ces joueurs qui n’ont pas pu venir et qui auraient apporté un peu de talent à l’équipe, notamment devant où nous avons eu du mal à cadrer et transformer nos occasions. »

On ajoutera un effectif limité avec plusieurs joueurs qui ont eu des saisons trop blanches pour apporter tout ce qu’ils auraient pu (Naby Keita, Amadou Diawara…). Dans les points positifs, il y a quand même l’excellent tournoi d’Abdoulaye Touré et l’expérience acquise par quelques très jeunes joueurs sortis d’Horoya ou Hafia. Sans oublier ce super match contre la France…

Le Mali peut évoquer le même problème pour mobiliser les joueurs de plus de 23 ans. Aggravé par une grève des internationaux A. Même les jeunes Dorgeles ou Doumbia n’ont pu venir. Par contre, le Mali a pu bien se préparer dans son Centre Technique rénové de Kabala. Même si on peut interroger les choix de matches en France. Refuser l’Argentine et jouer des clubs inférieurs comme Bobigny ou Paris 13 ne préparait pas au mieux le tournoi malgré un groupe abordable.

Diarra Thiemoko, Mali
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Le Maroc fait tout bien

Israël et le Paraguay paraissaient à la portée d’une équipe malienne toujours séduisante dans la circulation du ballon. Mais, comme chez les A, déficiente devant le but. Surtout, la communauté malienne n’a que peu suivi la trajectoire malienne et témoigné de son désamour pour l’équipe nationale. Le vide du Parc des Princes et de Bordeaux fait presque plus mal que les résultats des Aigles…

On est assurément loin de la mobilisation exceptionnelle du Maroc qui a rempli deux fois le stade Geoffroy-Guichard à Saint-Etienne. Organisation, automatismes, niveau technique, présence de la star Achraf Hakimi, le Maroc a tout bien fait et donne beaucoup d’espoir à toute l’Afrique à l’heure des demi-finales.

Même l’Espagne ne fait pas peur à ce Maroc. Et l’Egypte n’est pas non plus désespérée à l’heure d’affronter une équipe de France plutôt poussive. Elle connaît par cœur le moyen de fermer le match et de créer le doute. Et un peu plus avec de nouveaux talents qui émergent, comme Ibrahim Adel…

Et là, avec un ou deux exploits en bandoulière, le foot africain pourrait alors dire avoir passé un sérieux cap et confirmé l’embellie de Qatar 2022…

JO 2024 : Afrique, terre de contrastes
DOUCET PHILIPPE

Journaliste ayant débuté à "Golf Magazine" puis le quotidien sportif "Le Sport".
Avant de plonger dans la télévision et Canal+ en 1989.
Commentateur de football et tennis.
Mais aussi créateur de la "palette" et des statistiques sur les grands directs et la Ligue des Champions.
Son engagement dans le sport africain remonte à la CAN 1992 et à toutes les CAN suivantes qu'il a suivi pour Canal+ Afrique.
Chroniqueur sur RFI dans "Radio Foot International".