JO 2024 Foot : la médaille dort !

Publié le par DOUCET PHILIPPE

On nous annonçait Mbappé et Griezmann côté français. L’Afrique aussi voyait déjà Guirassy ou El Bilal Touré en train d’escalader l’Olympe. Au lieu de quoi, Michel Platini a sonné l’hallali en annonçant qu’il ne regarderait pas le tournoi olympique « parce que le foot, ce n’est pas les JO ».

Les listes d’absents ne cessent de s’allonger d’une sélection à l’autre. Il y a quelques jours, c’est Lesley Ugochukwu qui a quitté les Bleus de France, rappelé par Chelsea. Thierry Henry a dû se rabattre sur Johann Lepenant, libéré par Lyon car peu pressenti pour jouer cette saison. Un exemple qui aide le sélectionneur guinéen, Kaba Diawara, à se montrer plutôt fataliste. « Si même la France n’arrive pas à présenter sa meilleure équipe à Paris, imaginez pour nous… Mais la différence, c’est que nous n'avons pas la réserve de joueurs de l’équipe de France…»

Pour de sombres histoires de visa, la Guinée ne sera d’ailleurs pas non plus à 22 lors de ce tournoi. Et Diawara a dû compter une bonne dizaine de refus pour des sélectionnés A. Guirassy, Bayo, Guilavogui, Sow, Sylla, Lamine Cissé… Ainsi vogue le tournoi olympique de football chez les garçons !

Serhou Guirassy, Guinée
© Iconsport

On connaît tous le problème de fond. La FIFA ne veut en aucun cas une Coupe du monde parallèle nommée Jeux Olympiques. Ce qu’elle accepte pourtant chez les filles. Mais les enjeux financiers ne sont pas les mêmes. Et la FIFA veut bien d’une Coupe du monde tous les deux ans, comme elle a essayé de nous le vendre il y a trois ans. Mais à la condition de l’organiser elle-même ! 

Ainsi, lorsque le CIO a voulu redonner du poids à son tournoi olympique dans les années 90, il s’est heurté à la détermination de la FIFA qui a posé deux conditions profondes. Elle n’a ainsi pas donné le qualificatif de « dates FIFA » à l’épreuve. Résultat : les clubs peuvent refuser la venue de leurs joueurs. Ce qui est particulièrement gênant avec la formule négociée avec la FIFA : un tournoi de moins de 23 ans (ceux qui assurent la qualification…), mais avec tout de même trois joueurs plus âgés…

Hakimi libéré…

Ces trois joueurs sont évidemment l'élément le plus décisif qui peut assurer un tournoi olympique prestigieux. En 2016, le Brésil, organisateur, avait ainsi pu mobiliser Neymar sans que son club d’alors, le Barça, n’ose dire non à un tel pays de foot qui n’avait jamais gagné la médaille d‘or ! Et, lorsqu’il s’agissait de faire resigner Mbappé, le PSG se disait bien prêt à libérer son joueur pour les J.O. 

Idée saugrenue dont Hakimi a bénéficié pour pouvoir venir disputer ces Jeux avec le Maroc. Mais Brahimi Diaz (Real) et Saibari (PSV) ont, eux, été rembarrés par leurs clubs. Dans un monde normal, il est évident que les clubs sérieux disent non pour leurs joueurs clefs. Il faut se rendre compte que des internationaux A ayant déjà disputé l’Euro, ne seraient revenus de maigres vacances qu’à la mi-septembre en club !

Brahim Diaz, Maroc
© Iconsport

Le Real Madrid a, du reste, donné le ton très tôt. Dès mars, le club champion d’Europe a prévenu par lettre les nations qualifiées pour l’Euro (ou la Copa America) et les JO que leurs joueurs ne seraient pas libérés. Comment leur donner tort ? Leurs trois Français (Tchouameni, Mendy et le grand nouveau Mbappé) se doivent de préparer et démarrer correctement une saison qui sera bien longue avec une Coupe du monde des clubs à la fin. Toute autre attitude ne serait pas professionnelle. 

La France, mauvais modèle

Bien sûr, la compréhension n’a pas été la même côté français, les JO ayant lieu sur leur territoire. Le grand public peut difficilement comprendre que la France ne dispose pas de sa meilleure équipe pour ses JO à domicile. Sauf qu’ils auraient sûrement ensuite trouvé inconséquent de voir leur club de cœur se priver de tel ou tel joueur pour des matches déjà importants.

En fait, il est surtout difficile de comprendre pourquoi la FFF n’a pas anticipé le problème. Déjà, pour Tokyo 2021, la France avait fini avec une équipe de compromis (un joueur par club maximum) et un résultat désastreux. N’était-il pas de bon ton côté FFF et Thierry Henry de faire le tour des clubs en amont et d’obtenir un engagement ?

En ce sens, le départ d’Ugochukwu (juste après ceux de Kephren Thuram et Andy Diouf !) avant les Jeux témoigne du peu de poids pesé par ce tournoi olympique. Pour un club comme Chelsea, qui se demande si, éventuellement, ce joueur pourrait lui être utile, on voit l’organisateur français bien obligé de s’incliner. Si Thierry Henry a pu attirer une star de plus de 23 ans, le buteur Alexandre Lacazette (33 ans), il faut noter qu’il n’était pas à l’Euro et que l’OL espérait sans doute le vendre au moment où ils ont donné leur accord.

Alexandre Lacazette, équipe de France, jeux Olympiques
© Iconsport

Quid de l’Afrique dans ce contexte ? Malgré la bonne dizaine de refus qui ont affecté l’équipe nationale, la Guinée va aligner en vedette Moriba Kourouma. L’ancien Barcelonais appartient désormais à Leipzig. « Surtout, c’est un garçon mûr qui peut dire non à son club. Je ne peux pas demander la même chose à de jeunes joueurs qui se retrouvent en plein transfert ou en situation délicate dans leurs clubs. Je comprends très bien qu’ils puissent renoncer… »

Côté malien, Alou Badra Diallo, dit « Conty », a ainsi dû renoncer à l’un de ses cadres olympiques, Mamadou Sangaré, en raison de son transfert au Rapid de Vienne. De plus, les sélectionnés A sont en grève de la sélection depuis la dernière trêve internationale et la suspension du capitaine Hamari Traoré. Sans surprise, aucun A n’a donc répondu à l’appel (El Bilal Touré, Doumbia, Dorgeles…).

Naby Keita vs Michel Platini !

Même si les jeunes internationaux A Boubacar Traoré et Demba Diallo (1 sélection…) sont bien là. Eux qui ont l’âge pour jouer dans cette équipe. Les deux seuls jokers de plus de 23 ans ne constituent donc pas les renforts spectaculaires attendus. Même si le retour de Salam Jiddou, après ses nombreuses blessures, constituera une attraction.

Dans un style différent, la présence d’Elneny, le populaire joueur égyptien, sur la liste du quatrième pays africain, prend tout son sens !

Sans club, il veut aider son pays dans une épreuve qui ne lui a pas toujours réussi malgré un quart de finale lors de la dernière édition à Tokyo ! Dans la même veine, le joueur plein d’expérience à partager, Naby Keita sera le porte-drapeau de la Guinée. Un bel honneur pour ce foot olympique, pourtant attaqué par Michel Platini. 

Il est vrai que les stades de foot seront loin d’être remplis, au contraire du judo, de l’escrime, de l’équitation et, bien sûr, de la natation et athlétisme. Les sports que suivra donc Michel Platini devant sa TV… 

Même si l’ancien numéro 10 des Bleus a joué lui-même les JO en 1976 à Montréal, je n’ai pas été surpris par cette déclaration choc ! En 1992, lors des Jeux de Barcelone que nous couvrions pour Canal+, Michel Platini avait carte blanche et allait partout où il voulait pour vivre la « fièvre de l’Or » olympique. Or, il n’est jamais allé au Camp Nou voir du foot. Tout en suivant avec passion d’autres sports…

Michel Platini
© Iconsport

Avec tous ces forfaits et autres éléments perturbateurs, le tournoi olympique masculin sera-t-il donc dévalué ? Bien sûr, nous en jugerons au fur et à mesure d’un tournoi foot qui commence dès ce mercredi, deux jours avant la cérémonie d’ouverture. Simplement, il ne faudrait pas que d’autres mauvaises nouvelles ternissent encore ce tournoi. En effet, le début du tournoi ne signifie pas la fin des problèmes pour les sélectionneurs. A tout moment, jusqu’au 11 août, jour de la finale, des joueurs peuvent être rappelés par leurs clubs et devoir quitter la compétition… Stress sur Paris 2024 !

JO 2024 Foot : la médaille dort !

DOUCET PHILIPPE

Journaliste ayant débuté à "Golf Magazine" puis le quotidien sportif "Le Sport".
Avant de plonger dans la télévision et Canal+ en 1989.
Commentateur de football et tennis.
Mais aussi créateur de la "palette" et des statistiques sur les grands directs et la Ligue des Champions.
Son engagement dans le sport africain remonte à la CAN 1992 et à toutes les CAN suivantes qu'il a suivi pour Canal+ Afrique.
Chroniqueur sur RFI dans "Radio Foot International".