Le foot doit-il rester aux JO ?

Publié le par DOUCET PHILIPPE, actualisé le

Après une finale spectaculaire remportée par l’Espagne contre la France dans un Parc des Princes incandescent (5-3 a.p), on a plutôt envie de répondre oui au maintien du foot aux Jeux Olympiques. Et l’Afrique ne dira pas le contraire avec la médaille de bronze du Maroc. Mais le CIO doit-il insister alors que la FIFA ne lui offre qu’une fenêtre secondaire ? Ou innover comme elle l’a fait avec le rugby à 7 ou le basket 3X3 ?

Je le reconnais d’emblée : j’ai conçu une véritable aversion pour le tournoi olympique de football en 1992. Par expérience personnelle, tout simplement. Pourtant, le tournoi était plutôt agréable à Barcelone avec la nouvelle formule des U23 et une victoire espagnole, dans un Camp Nou bondé, avec des joueurs du Barça (Guardiola, Ferrer…).

Mais Barcelone 92 était mon premier rendez-vous olympique. Vivre les premiers jours de préparation au centre du monde sportif, puis partir dans l’anonymat à Saragosse (malgré un Ghana rafraîchissant) avait constitué une frustration profonde. Une vraie sensation de passer à côté des Jeux. Les matches de foot restant des matches de foot, et surtout éloignés des « vrais » sites olympiques.

Depuis, j’ai toujours eu du mal à m’intéresser au tournoi olympique. Et, dès 1996, j’avais abandonné le foot à Miami pour rester à Atlanta pour couvrir l’escrime. Pourtant, j’avais couvert toute la qualification de l’équipe de France de Raymond Domenech à ces Jeux. Pourtant, 1996, c’est aussi la victoire d’un Nigeria composé de joueurs que j’avais suivi lors de leur victoire à la CAN 1994. Mais 1992 m’avait trop marqué et j’avais suivi le tournoi de foot 1996 de bien loin…

Nigeria, Jeux Olympiques 1996 Atlanta
© Iconsport

Un tournoi de foot masculin en mode mineur

Au reste, je trouve que le démarrage du tournoi en amont de la cérémonie d’ouverture est un autre gros débours pour le foot. Dès son démarrage, il n’est pas complétement légitime. Avec un format à part qui oblige à l’entamer plus tôt, loin de la ville des JO et dans des stades pas forcément très remplis et pleins de passion.

Paris 2024 n’a pas fait exception. Avec un démarrage éloigné (même l’équipe de France jouait dans le sud, à Marseille et à Nice), on a du eu bien du mal à rentrer dans ce tournoi olympique. Malgré tout, le football restant le sport numéro un au monde (et en France), il a tout de même été très suivi. Par les Africains avec la troisième place du Maroc aux dépens de l’Egypte (6-0 !). Et par les Européens avec une finale France-Espagne incluant le pays organisateur. Surtout que l’Europe ne l’avait plus emporté depuis… l’Espagne 1992 !

Michael Olise, équipe de France Olympique
© Imago

De quoi légitimer totalement le foot aux J.O ? Il reste beaucoup à dire si l’on centre le débat sur le tournoi masculin. Car le tournoi féminin, lui, ne souffre d’aucune contestation puisque les meilleures joueuses du monde sont là. Et, au sein du football féminin, on peut même dire que le tournoi olympique a longtemps été au-dessus de la Coupe du monde. Ce qui est, bien moins vrai désormais.

En tout cas, le tournoi féminin vaut un vrai titre mondial. Comme chez les hommes…dans les années 20 ! Ainsi, l’Uruguay a inscrit quatre étoiles sur son maillot, dont deux symbolisant les victoires aux JO de 1924 et 1928, avant l’existence de la Coupe du monde de la FIFA (1930). Chez les hommes, le débat est devenu éminemment différent un siècle plus tard. Où le titre espagnol a surtout été accueilli comme l’un de ses multiples trophées accumulés (Euro, U19, Ligue des Nations H/F, Coupe du monde féminine…).

Des problèmes récurrents !

Déjà, l’avant-J.O. avait été émaillé des problèmes usuels. La FIFA protégeant toujours le côté unique de sa Coupe du monde, ce ne sont pas les équipes masculines A qui disputent ce tournoi olympique. Mais les U23 depuis 1992. Avec, pour ultime concession, seulement trois joueurs plus âgés, ajoutés après la qualification…

Pire, elle refuse la qualification « date FIFA » au tournoi olympique. Ce qui signifie que même les meilleurs U23 ne sont pas forcément là. Et encore moins les stars parmi les trois joueurs plus âgés autorisés. Mbappé ou Griezmann ont eu beau envisager de participer à la ruée vers l’or française, leurs clubs madrilènes respectifs, concentrés sur d’autres objectifs, ont très logiquement mis un terme à ce fantasme. Ne pas oublier la jurisprudence Pedri qui a enchaîné Euro et J.O. en 2021. Et qui a accumulé les blessures ensuite…

Gianni Infantino, FIFA président
© Imago

Et on parlait ici de l’Equipe de France qui jouait à domicile ! On aurait imaginé une mobilisation nationale en vue de cette médaille accessible. Avec une charte signée par les clubs un an à l’avance pour libérer les joueurs. Surtout après le calvaire de Tokyo où la Fédération Française de Football , fini avec un accord minimaliste d’un joueur par club pour emmener une équipe de bric et de broc se faire éliminer piteusement dès le premier tour. Que nenni !

Certes, la FFF a obtenu davantage cette fois. Quelques clubs ont été un peu plus ouverts. Et, dans les joueurs expérimentés, un Lacazette a pu mener l’équipe, brassard au bras. Mais beaucoup de clubs ont refusé de libérer des joueurs. Y compris Lille, dont le Président, Olivier Létang, a pourtant porté la flamme ! Au final, la sélection présentée par Thierry Henry a subi de nombreux amendements. Mais au moins a-t-il eu quatre bonnes semaines pour préparer le tournoi…

Démobilisation générale

Tous les autres pays ont essuyé de la sorte des échecs cinglants et des refus pour des joueurs clés. Seuls le Maroc (Hakimi), l’Egypte (Elneny) ou l’Argentine (Alvarez, Otamendi) ont pu mobiliser quelques joueurs au-dessus du lot. De sorte que l’avant-tournoi démobilise fortement. Sur les sites de billets, la seule discipline où il était aisé de trouver des places était bien le sport roi au monde, le football ! Même après le premier tour, il était encore facile de trouver des places pour la finale à des prix raisonnables.

Certes, on ne peut tout comparer. e judo ou l’escrime offrent un nombre de places bien plus limité, de par les salles utilisées. A l’inverse, pas facile de mobiliser dans les villes loin de Paris en plein été. Après la belle affluence de son match contre la France, la Guinée a dû s’habituer aux 3.000 spectateurs de Saint-Etienne pour affronter les USA dans un match décisif.

Parc des Princes, supporters, JO
© Imago

Richard Pound s’explique

Une fois évoquées toutes les faiblesses de ce tournoi olympique, il reste à déterminer ce que pourrait proposer la FIFA… ou le CIO. « Car le CIO pourrait aussi dire à la FIFA qu’elle ne veut plus du football dans ces conditions, nous assure Richard Pound, membre australien du COMEX du CIO. Et négocier pour obtenir autre chose. »

Quel pourrait être cette « autre chose » ? D’emblée, il faut repousser l’idée que la FIFA pourrait un jour accepter une Coupe du monde bis. Mais le CIO pourrait aussi vouloir autre chose qu’un sport limité, comme c’est également le cas de la boxe amateur… Après tout, pour repousser toutes autres formes ambitieuses, la FIFA a rassemblé sous sa bannière l’essentiel des différents footballs.  « Les questions d’audience demeurent importantes », résume Richard Pound pour limiter cette hypothèse.

Mais le CIO est aussi très sensible au rajeunissement de sa cible. Et aller vers cela en football aurait quelque chose d’emblématique. Un signal fort. Et il n’est pas certain, dans le même temps, que le tournoi masculin à 11 nous manquerait considérablement. Reste que si l’équipe locale va au bout, comme pour la France, le foot demeure intéressant. Pas sûr que Los Angeles 2028 ou Brisbane 2032 ne soient pas tentées de prendre le risque…

Le foot doit-il rester aux JO ?
DOUCET PHILIPPE

Journaliste ayant débuté à "Golf Magazine" puis le quotidien sportif "Le Sport".
Avant de plonger dans la télévision et Canal+ en 1989.
Commentateur de football et tennis.
Mais aussi créateur de la "palette" et des statistiques sur les grands directs et la Ligue des Champions.
Son engagement dans le sport africain remonte à la CAN 1992 et à toutes les CAN suivantes qu'il a suivi pour Canal+ Afrique.
Chroniqueur sur RFI dans "Radio Foot International".