Ancien président de l'OM (2005-2009) et candidat aux élections municipales à Marseille en 2014, Pape Diouf garde toujours un œil avisé sur le monde du ballon rond. Invité de “L’entretien du mois” sur Afrik-Foot, le Franco-Sénégalais revient sur le récent scandale qui a secoué la FIFA. L'occasion pour lui de détailler également les projets qu'il mène actuellement. Entretien (partie 1).
Pape Diouf, dans une récente chronique sur Lemonde.fr, vous avez dépeint le système d’aide au développement mis en place par la FIFA, notamment à travers les projets Goal, comme une “source naturelle de corruption et clientélisme“. Pouvez-vous développer cette idée ?
A priori ce sont évidemment des projets qui partent d’un bon sentiment puisque doter l’Afrique d’infrastructures pour une bonne pratique du jeu apparaît comme une bonne chose. Sauf que les dignitaires de la FIFA, et son chef en tête, ont utilisé ce biais-là pour tenir par la barbichette certains dirigeants en sachant pertinemment que les fonds alloués pour ce but ne sont pas totalement utilisés pour ce à quoi ils sont destinés, mais qu’ils sont en partie détournés. Les dirigeants locaux s’en mettent dans les poches au passage et la qualité de l'infrastructure attendue n’est pas ce qu'elle aurait dû être.
Comment remédier à ce biais et faire en sorte que l’aide de la FIFA au développement du football africain soit utilisée à bon escient ?
Simplement en faisant les choses dans les règles. La FIFA n’est pas simplement une instance qui appartient à tel ou tel pôle. Elle appartient au monde entier et l’Afrique en fait intégralement partie. L’Afrique a besoin d’être soutenue et d’être aidée dans le développement de son football. Il convient aux dirigeants de la FIFA, en concertation évidemment avec les dirigeants africains, d’imaginer le type d’aide qui convient le mieux pour que ce football-là puisse prendre son essor. Ce n’est pas sorcier. Je n’ai pas de solution miracle. Quand l’argent est là, il faut en faire l’utilisation la plus rationnelle et arrêter de faire de la participation de la FIFA au développement football africain une opération qui, sans dire son nom, relève plutôt de la corruption ou du clientélisme.
“Ceux qui disent ‘on savait'n'avaient qu'à s'opposer !“
Mais on peut aussi étendre cette analyse aux autres continents. Noël Le Graët, le président de la FFF, a voté pour Sepp Blatter parce qu’il a œuvré à l’obtention du Mondial féminin 2019 en France, non ?
Comme je le dis dans la chronique en question, toutes les confédérations ont leur part de responsabilité. Il n’y a pas que l’Afrique. Aujourd’hui, la corruption partant de la FIFA est de même nature sur tous les continents, dans toutes les confédérations. C’est le degré qui change. Le degré n’est évidemment pas le même dans un pays africain démuni ou dans un pays d’Europe plus opulent.
Un peu partout, on doit être regardant sur la manière, sur l’aspect moral des choses. Il faut quand même souligner que dans certains pays d’Europe, il y a une justice qui est beaucoup plus rapide. La preuve, ce n’est pas une justice africaine qui s’est levée pour dénoncer ce qui se passe à la FIFA, mais c’est bien la justice américaine.
Qu’avez vous pensé du flot de critiques qui s’est abattu sur Sepp Blatter ?
Il est assez paradoxal de constater que tous les commentateurs et tous ceux qui sont peu ou prou impliqués dans cette affaire-là disent “on savait !”. On savait quoi ? Eh bien si on savait, il fallait le dire ! Ou alors il fallait s’opposer à ça, ne pas attendre l’action de la justice américaine pour se lever comme un seul homme et dire “haro sur Blatter”. Oui, Blatter a la responsabilité suprême. Cela dit, il a eu tort de dire “je ne peux pas tout contrôler, je ne peux pas tout savoir”, alors qu’il est à la tête de l’institution. Il y avait quand même, à côté de lui, des gens avec lesquels ils travaillaient, des complicités objectives qui ne sont pas compliquées à identifier.
Est-ce qu’un changement de personnes peut suffir à assainir la FIFA ou est-ce tout le système qui est à revoir ?
Changer de personnes ne changera absolument rien. Ce qu’il convient de faire, quand il s’agit de la FIFA, c’est de tout réorganiser en profondeur. Ce système fonctionne mal. Il ne faut pas se tromper en pensant qu’en changeant X ou Y, les choses vont se transformer comme par magie. Il faut que la FIFA et tous ses membres sachent que le changement d’hommes ne changera rien et qu’il faut beaucoup plus que ça, c’est à dire réformer tout, tout, tout : de la cave au grenier.
“Orienté vers la jeunesse et la citoyenneté“
Au vu des dysfonctionnements et des scandales qui secouent la FIFA, vous n’avez pas envie de vous réengager dans le football pour tenter d’améliorer les choses ?
L’objet n’est pas là. Je ne suis pas en train de penser à moi en disant cela. Je suis un observateur engagé mais sans plus. De toute façon, pour postuler, il faut déjà être à la FIFA aujourd’hui et pour y entrer les portes sont cadenassées. Et puis pour l’intégrer, il faut faire du lobbying, une chose que j’exècre. Je pense qu’au sein de la FIFA, il y a des hommes et des femmes suffisamment honnêtes et intègres pour s’occuper des affaires du football dans le monde.
Vous préférez vous consacrer à la politique, plus spécialement à destination de la jeunesse marseillaise ?
Pas vraiment le domaine politique. Je suis simplement descendu sur l’échange public. Je dis bien l'échange public. Pour moi la politique n’est pas du bon côté. Si elle revient à sa définition originelle, sa définition grecque, la gestion de la cité, alors oui j’ai un intérêt pour ces choses-là. Aujourd’hui je réfléchis à la création d’une fondation dont le but ultime serait orienté vers la citoyenneté et la jeunesse. J’espère réunir les éléments requis pour la création de ce projet.
Retrouvez la seconde partie de l’entretien ce vendredi 12 juin.