Bruce Grobbelaar, le fou volant

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Premier joueur africain à remporter la Coupe d'Europe des Clubs Champions, Bruce Grobbelaar a marqué l'histoire de Liverpool. Tant pour ses pitreries sur le terrain que pour ses frasques en dehors du terrain. Tour à tour raciste, clown, excentrique ou bien inconstant, le gardien zimbabwéen reste l’une des figures emblématiques du football britannique des années 80.


Il a une tête de comptable de province avec sa petite moustache, son crâne légèrement dégarni et son regard inexpressif. Et pourtant, Bruce Grobbelaar est une légende. Son style excentrique et flamboyant ont fait du gardien aux jambes flasques une idole à Anfield, l'antre des Reds de Liverpool.

Car évoquer le nom de Grobbelaar, c'est évidemment lire une page de l'histoire du football anglais. Une époque où le kick and rush règne en maître, où les joueurs se nomment Tony Adams, Paul Gascoigne, Chris Waddle, Eric Cantona, Glenn Hoddle et Kenny Dalglish. C’était une autre époque, bien avant que les oligarques russes, magnats du pétrole, tycoons américains et autres mafieux de tous bords ne se mettent à blanchir leurs milliards dans la Premier League. Reste que le gardien zimbabwéen a contribué à forger la légende des Reds avec son talent, certes, mais surtout son exubérance.

L'homme saoul

Une belle carrière dans une Afrique du Sud (Highlanders, Chibuku Shumba, Highlands Park, Durban City) en plein apartheid lui ouvre les portes de l'Angleterre. Crewe Alexandra, où il marque son unique but en pro mais, surtout, Liverpool. Le légendaire Ray Clemence sur le départ, Grobbelaar devient titulaire du poste. Bien que critiqué pour quelques performances médiocres, le natif de Durban fut retenu par trois des plus grands managers de Liverpool : Bob Paisley, Joe Fagan et Kenny Dalglish, sur une période de treize ans et 627 matches. Pendant ce temps, il empile les titres: Coupe des Champions (1984), champion d'Angleterre (1982, 1983, 1984, 1986, 1988, 1990), Coupe d'Angleterre (1986, 1989, 1992), League Cup (1982, 1983, 1984) et Charity Shield (1983, 1987, 1989, 1990, 1991).

Les résultats et le palmarès sont là mais, pour marquer le football outre-Manche, il en faut plus que ça. Ces frasques sur et en dehors du terrain le font définitivement entrer dans la légende. Sur le terrain, le point culminant de la carrière de Bruce Grobbelaar reste cette finale de Coupe des Champions 1984 où il domine, au mental, l'AS Roma. Lors de la séance des tirs au but, le portier de Liverpool fait semblant de manger ses filets devant les photographes comme s’il s’agissait de spaghettis alors que Bruno Conti, le troisième tireur de la Roma, s’avance. Grobbelaar fait tellement le pitre que Conti envoie son tir au-dessus de la barre transversale. Le Zimbabwéen n’en reste pas là, il réserve son meilleur tour à Francesco Graziani, le quatrième tireur romain. Alors que celui-ci s’élance, Grobbelaar adopte la technique de “l'homme saoul” et se met à trembler comme une feuille devant son adversaire en adoptant les mimiques d’un ivrogne. Graziani, complètement déconcentré, tire à côté et Liverpool s’impose 4-2 grâce aux pitreries de son gardien, qui devient au passage le premier joueur africain à gagner une C1. Revenant sur cet épisode, Bruce Grobbelaar a expliqué qu'ayant vécu une guerre civile dans son pays, le Zimbabwé, il ne pouvait pas prendre le foot trop au sérieux.

Fou et raciste

Comme souvent la suite de l’histoire est un peu moins drôle. En 1985, Brucie prend part à la tristement célèbre finale du Heysel, sans nul doute un des matchs les plus meurtriers de l’histoire du football (39 morts, 600 blessés). Car Grobbelaar a beau être talentueux, il n'est reste pas moins un fieffé raciste. Il a ainsi lancé ainsi un jour à l’entrainement à l’un de ses coéquipiers de couleur Howard Gayle : « Si tu étais dans la jungle, à ta vraie place, je te tuerais. J’avais l’habitude de tirer sur les gens comme toi. » Mis sur le banc par David James, Grobbelaar quitte Liverpool pour Southampton, l'année même où il est accusé par The Sun d'avoir truqué des matches au bénéfice d'un syndicat de paris. Accusé de corruption, il est finalement relaxé. Mais il décide de poursuivre le journal pour diffamation. Les Lords, sans doute rebutés par la nauséabonde réputation du personnage, réduisent les dommages et intérêts obtenus et obligent Grobbelaar à payer lesfrais judiciaires engagés par le Sun dans cette affaire. Brucie, qui fête alors ses 40 ans, ne s’en remettra jamais. Ruiné malgré les sommes rondelettes amassées durant sa carrière, celui qui fut longtemps surnommé “le prince des clowns” ne fait plus rire personne et termine sa carrière dans l’anonymat des divisions inférieures britanniques.

Un temps sélectionneur de la sélection zimbabwéenne, Grobbelaar a récemment déclaré qu'il « espère un jour retourner à Anfield en tant que manager du Liverpool FC » mais avec ses dettes et sa réputation entachée Outre-Manche, il est peu probable que cela se réalise. Il est désormais consultant pour la BBC.

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Nicholas Mc Anally