Coupe du monde des clubs : “pourquoi pas faire comme le Maroc en 2022…”, Youssef Debbagh dévoile les ambitions du Wydad Casablanca [Exclu]

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Qualifié pour la Coupe du monde des clubs 2025 en tant que vainqueur de la Ligue des champions africaine en 2022, le Wydad Athletic Club Casablanca évoluera dans un groupe G des plus relevés avec Manchester City, la Juventus Turin et Al Ain. Comment le club marocain s’est préparé pour l’événement, quel est son quotidien aux Etats-Unis, ses ambitions, et comment compte-t-il fructifier sa participation sur le long terme ? Réponse avec le directeur général du Wydad, Youssef Debbagh, dans cette interview exclusive accordée à Afrik-Foot.

Youssef Debbagh, le Wydad Casablanca s'apprête à disputer un tournoi inédit dans son histoire : la Coupe du monde des clubs à 32 équipes. Qu’est-ce que cette participation représente pour le club, en termes d’image et de positionnement international ?

Ce que je dis souvent, c’est que la marque Wydad est déjà une marque internationale, essentiellement grâce à la dimension mondiale de nos supporters. Leur passion place le club au niveau des plus grandes institutions sportives. Mais au-delà de cette ferveur populaire, il y a tout un travail de structuration à mener pour aligner le reste du club sur ces standards. C’est un chantier que nous avons ouvert cette saison.

Sportivement, le Wydad a dominé ces dernières années, ce qui nous vaut aujourd’hui de participer à cette Coupe du monde des clubs. Mais cette compétition impose aussi des exigences organisationnelles. Travailler avec la FIFA, c’est devoir se conformer à des standards précis : gestion des achats, logistique, finance, sécurité, marketing, data, etc. Cela te pousse à te structurer sérieusement.

Et puis, bien sûr, sur le plan sportif, c’est une belle occasion de mesurer notre niveau. Cela permet de nous situer concrètement par rapport à l’élite mondiale.

Youssef Debbagh, Wydad
Youssef Debbagh, directeur général du Wydad Athletic Club. © DR

L’équipe est désormais installée aux États-Unis et a déjà entamé sa préparation sur place. Concrètement, comment se passe l’organisation sur le terrain : camp de base, rythme des journées, adaptation à l’environnement ?

L’équipe est arrivée le 10 juin sur un vol direct entre Casablanca et Washington. Nous sommes installés à Bethesda, dans la banlieue nord de la capitale. Le camp d’entraînement est situé à environ 10-15 minutes de l’hôtel, dans une école, la Landon School. Tout se passe très bien, dans un cadre conforme aux standards FIFA.

Nous disposons d’un étage entier à l’hôtel, avec des salles de réunion, des salles à manger. Deux autres étages ont également été réservés pour l’équipe. Nous avons déjà disputé un match d’entraînement contre une équipe canadienne (victoire 7-0 contre Saint-Laurent jeudi, ndlr), ce qui nous a permis de tester nos recrues et de commencer à intégrer les nouveaux.

Face au FC Séville et au FC Porto, le WAC s’est incliné de peu à chaque fois (1-0). On a eu le sentiment d’un Wydad à la fois proche et encore un peu loin du très haut niveau européen. Qu’est-ce que vous retenez de cette préparation ?

Je partage votre analyse. Contre Séville, nous concédons le but sur une erreur individuelle, et c’est là que l’apprentissage est fort : en championnat marocain ou même en Ligue des champions africaine, tu peux commettre deux ou trois erreurs et t’en sortir. Là, au très haut niveau, une seule erreur se paie cash.

Contre Porto, c’était une erreur de couverture. Tu ne fais pas le coulissement qu’il faut, tu laisses un canal de passe ouvert et, face à la qualité d’un tel adversaire, ça ne pardonne pas. C’est comme en boxe : tu baisses la garde une seconde, tu peux te prendre un uppercut.

Cela dit, ce qui est encourageant, c’est qu’on commence à voir les intentions du coach (Mohamed Amine Benhachem, nommé fin mai, ndlr), notamment une animation défensive plus solide. Il nous reste à progresser sur les transitions offensives pour devenir réellement dangereux.

“Regarder nos adversaires dans les yeux, être dignes dans le combat”

Vous allez affronter Manchester City, la Juventus, puis Al Ain. Quelles sont les ambitions du Wydad dans ce groupe très relevé ?

Notre état d’esprit, c’est d’avoir confiance en nous, de regarder nos adversaires dans les yeux, et d’être dignes dans le combat. Le reste appartient à Dieu. On doit aborder chaque match avec la bonne concentration, ne pas baisser la garde.

C’est un peu ce qu’a fait l’équipe du Maroc à la Coupe du monde 2022 : il y avait une dynamique, une énergie, une Baraka (réussite, bénédiction de Dieu, ndlr) qui ont permis d’aller loin. Pourquoi pas nous ?

“Nous avons recruté un coach spécialisé dans les CPA”

Vous rêvez d’un parcours similaire ?

Le rêve est permis, bien sûr. Mais ce qu’on peut réellement contrôler, c’est notre attitude, notre engagement, notre façon d’aborder les matchs. Le coach a été clair en conférence de presse : on veut s’appuyer sur ce qui a marché pour le Maroc, notamment les coups de pied arrêtés (CPA).

Nous avons recruté un coach spécialisé dans ce domaine, recommandé par Nicolas Jover, l’actuel coach des CPA à Arsenal, avec qui j’ai joué à l’Université de Sherbrooke au Canada il y a vingt ans. Il nous a orienté vers Fouad Taalat, un franco-marocain qui a travaillé avec lui et qui fait désormais partie de notre staff. Je remercie Nicolas pour sa recommandation.

Walid Regragui, Maroc, Coupe du monde 2022
© Iconsport

C’est important pour vous de ne pas avoir de complexe d’infériorité face à vos adversaires ?

Absolument. Je pense que le Royaume du Maroc, dans son ensemble, a dépassé cette question. Dans tous les domaines, et pas uniquement dans le football, nous avons appris à regarder les autres pays dans les yeux, avec respect et dignité. Et après, que le meilleur gagne.

“Nous avons lancé notre stratégie Wydad2Africa”

Cette Coupe du monde va rapporter au moins 10 millions de dollars. Comment allez-vous utiliser cette manne ?

Notre vision, c’est de construire un club structuré, stable, qui réussisse au-delà des personnes. Une partie des revenus ira à l’assainissement de notre situation financière.

Le reste servira à renforcer nos projets structurants que ce soit sur la formation des jeunes dans laquelle la Fédération Royale Marocaine de Football accompagne notre club, la mise à niveau des infrastructures ou encore la pérennisation des revenus commerciaux (sponsoring, matchday, merchandising).

Parmi les projets structurants, il y a la génération de revenus liés à la vente de joueurs. Cette saison, nous avons lancé notre stratégie Wydad2Africa, qui vise à repérer et attirer de jeunes talents venus d’Afrique subsaharienne afin qu'ils aient un impact sportif puis financier sur le modèle des Clubs portugais (le FC Porto a généré plus de 300 millions d'euros en transferts depuis 2020).

Depuis le mois de mars de cette année, nous avons accueilli des jeunes du Sénégal, de Côte d’Ivoire, du Mali qui ont entre 18 et 20 ans pour des tests. Certains intégreront l’équipe Espoirs dès la saison prochaine et à terme, pourquoi pas l’équipe première. C’est un projet à la fois sportif et économique.

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Mamadou Oury Diallo