Hacène Lalmas, le maestro

Publié le par Olivier Loyens, actualisé le

A première vue, l'histoire d'Hacène Lalmas ressemble à une histoire de buts. L’Algérien détient en effet le record de buts inscrits en championnat national et, plus original, de celui inscrit en un seul match officiel (14 buts). Mais par son intelligence de jeu, sa technique hors-pair et ses accélérations décisives, le meneur de jeu à la calvitie précoce a marqué de son empreinte le football africain des années 1960. Au point d'être élu en 1993 meilleur joueur algérien du XXe siècle.


Miroslav Klose, l'attaquant vedette de l'équipe d'Allemagne, a inscrit pour l'instant 14 buts en Coupe du monde. Hacène Lalmas, lui, n'a eu besoin que d'un match pour atteindre ce total. Le niveau n'est certes pas comparable car le milieu offensif l'a inscrit dans un match de Coupe d'Algérie avec l'OM Ruisseau (D2 algérienne) face à Birtouta, en 1965. Mais la performance mérite d'être signalée car à ce jour, aucun joueur n'a fait mieux.

Il faut dire que le natif d'Alger avait pris l'habitude d'empiler les buts dans le championnat d'Algérie, autant avec le club de ses débuts, l'OM Ruisseau (1960-1962) qu'avec le CR Belouizdad (1962-1973). Si bien que l'Algérien est le meilleur buteur de l'histoire du championnat avec 150 réalisations. Le “Bélier” (Lalmas tient ce surnom de sa calvitie précoce, mais aussi de son redoutable jeu de tête) détient aussi le record de buts marqués en finale de la Coupe d'Algérie (6 buts en 3 finales). Mais Lalmas n'a pas été élu joueur algérien du siècle précédent (sondage réalisé en 1993 par l'hebdomadaire sportif Echibek auprès de 350 joueurs, entraîneurs, dirigeants, arbitres et journalistes) “juste” pour ses buts. Il avait en effet un bagage très complet qui lui permettait d’être à la fois à la construction et à la finition du jeu. L’ancien milieu offensif arrivait ainsi à faire le spectacle à lui seul. Lalmas faisait souvent des gestes techniques et des “trucs” qui régalaient le public. De plus, ses qualités de meneur d'hommes font qu'il était très respecté par ses adversaires et ses coéquipiers. Lalmas, en compagnie de Nassou , Abrouk, Hamiti, Djemaâ, Zerrar, Kalem, Selmi, Zitoun, Achour, Messahel, Madani ou encore Moha, écrit les belles pages du CRB dans les années 1960 et au début des années 1970. Le club algérois remporte en effet quatre fois le championnat (1965, 1966, 1969 et 1970), trois fois la Coupe d'Algérie (1966, 1969, 1970) et trois fois la Coupe Maghrébine de football (1970, 1971 et 1972).

Un but marqué au grand Lev Yachine

Mais Lalmas se distingue aussi en équipe nationale. Il n'a même pas 20 ans lorsqu'il est convoqué pour le premier match de l'équipe algérienne indépendante, le 6 janvier 1963 contre la Bulgarie. Évoluant en amateur en Algérie, Lalmas trouve néanmoins sa place parmi les Fennecs, malgré la présence des stars de la glorieuse équipe du FLN (Zitouni, Boubekeur, Bentifour, Mekhloufi….). Preuve en est le mémorable match amical le 4 novembre 1964 de l'Algérie contre la grande équipe de l'URSS, qui comptait alors dans ses rangs le meilleur gardien du monde, Lev Yachine. Menés 2-1 à la mi-temps, les Fennecs enregistrent en seconde période l'entrée du jeune Lalmas. Sur un corner, l'attaquant de St-Etienne Rachid Mekhloufi apostrophe le “Bélier” : “Eh petit, place ta tête ! “. Mekhloufi frappe le coup de pied de coin, Lalmas se faufile parmi les défenseurs russes et boxe de son front le cuir dans la cage du géant Yachine, permettant à son équipe d'égaliser. Lalmas fera ensuite sensation lors de la Coupe d'Afrique des Nations 1968 en Éthiopie. Même si l'Algérie ne passe pas le premier tour de la compétition, le meneur de jeu parvient à inscrire un triplé lors de la rencontre contre l'Ouganda (4-0). Alors au sommet de son art, il se voit décerner le titre de meilleur joueur de la CAN 1968. Lalmas, sélectionné à 73 reprises en équipe nationale, suscite l'admiration de ses coéquipiers. Saïd Ouchen, l’ancien gardien du NA Hussein Dey et de l’équipe nationale, qui a croisé à maintes reprises “El Kebch”, dira de ce dernier : “Il était le meilleur joueur algérien de son époque et l’un des meilleurs au monde à son poste.” Adbelhamid Salhi, l’ancienne star de l’Entente de Sétif des années 60 et 70, ne s’empêchera pas de dire : “Hacène était la référence numéro une du football algérien des années soixante. J’ai toujours été en admiration devant son immense talent et sa grande personnalité. En sélection nationale, il n’a pas cessé de m’encourager.

Ciblé par l'Olympique de Marseille

Grâce à son triplé face à l'Ouganda, Lalmas tape dans l'oeil des dirigeants belges d'Anderlecht, présents à Addis-Abeda. Mais le transfert avorte en raison du véto des autorités algériennes. Également ciblé par l'Olympique de Marseille, Lalmas bute de nouveau sur le refus catégorique des plus hautes sphères du pays. Il continuera donc de porter les couleurs du grand Chabab avant de rejoindre le NAHD où signent également ses anciens coéquipiers du CRB, Mokhtar Kalem et Hamid Boudjenoun. Freiné quelque peu dans ses ambitions par la non concrétisation de son transfert à l’étranger, il a du mal à retrouver son meilleur niveau. Se sentant sur le déclin, le “Bélier” décide de raccrocher les crampons à l’âge de 32 ans.
Lalmas entamera ensuite une carrière d'entraineur au CRB mais la réussite n'est pas au rendez-vous. Selon Algérie-focus, son franc-parler le pousse parfois à l'excès, et il n'a pas que des amis dans le monde du football algérien. Lalmas choisit donc de prendre le chemin de l'anonymat et de se retirer d'un sport auquel il a tant donné et dont le nom restera à jamais lié.

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Olivier Loyens