Non content d'être le meilleur joueur sud-africain de l'histoire, Jomo Sono a marqué et marque encore de son empreinte le football de son pays. En plus d'être propriétaire et entraîneur du Jomo Cosmos, il s'est fait la spécialité d'arpenter les routes du pays de Mandela pour dénicher les talents sud-africains de demain.
Le jour de son mariage, les Orlando Pirates devaient disputer un match crucial contre les Blancs de Highlands Park. Mais à la mi-temps l'équipe de Jomo Sono était menée de deux buts. Lorsqu'il entend le score à la radio, le natif de Soweto (né le 17 juillet 1955) quitte les festivités et rejoint le terrain. Il marque deux fois et délivre deux passes décisives à ses coéquipiers, permettant au club de Johannesburg de l'emporter quatre buts à deux.
Ainsi est née la légende de Ephraïm Matsilela Sono. Plus jeune professionnel sud-africain lorsqu'il est engagé par les Orlando Pirates au début des années 70, celui qui est surnommé Jomo -“lance enflammée”- par les supporters possède le talent pour entrer dans l'histoire du football mondial. Il est alors un joueur complet qui contrôle le jeu au milieu, soit en délivrant des passes lumineuses à ses coéquipiers ou soit en perforant les défenses balle au pied. Sa polyvalence est aussi visible devant le but. Il est capable de placer une frappe subtile hors de portée du gardien ou de le transpercer d'un tir de mammouth. Et bien avant le Brésilien Juninho, il était le spécialiste des “banana kicks”. “Sur coup de pied arrêté, je tirais le ballon avec cette trajectoire courbe, et ça entrait, expliquait le “Prince Noir” à France Football. Du droit comme du gauche !”
Mais Jomo Sono fait partie de cette génération sacrifiée, qui n'a jamais pu s'exprimer dans les compétitions internationales, l'Afrique du Sud étant bannie par la FIFA durant l'apartheid. Son seul fait d'arme remonte à 1976, lorsque le gouvernement sud-africain sélectionne une des premières équipes mixtes pour un match amical contre l'Argentine : “J'ai marqué quatre fois et nous avons gagné 5-0, un grand souvenir !”
Le coach clé des Bafana Bafana
Néanmoins Jomo Sono prendra sa revanche plus tard dans le football mondial. Car le “fauteur de trouble” n'est pas seulement un joueur de génie mais aussi un grand entraîneur. Il est ainsi de la campagne victorieuse de l'Afrique du Sud lors de la Coupe d'Afrique des Nations 1996 en tant que conseiller technique. En 1998, il prend la tête des Bafana Bafana juste avant la phase finale de la CAN. Alors que de nombreux experts prédisaient un désastre au Burkina Faso, l'équipe dirigée par Jomo Sono trace sa route jusqu'en finale, n'échouant que face aux Pharaons égyptiens.
Une situation qui se répète en 2002, après la piteuse élimination de la sélection sud-africaine en quarts de finale de la CAN au Mali. Nommé d'abord directeur technique, le “Prince Noir” est ensuite nommé à nouveau sélectionneur par la fédération suite à des désaccords avec le coach en place, Carlos Queiroz. Lors de la Coupe du monde 2002 au Japon et en Corée du Sud, les Bafana Bafana ne sont pas loin de passer la phase de poules avec une victoire, un nul et une défaite très honorable contre l'Espagne (3-2).
Lucas Radebe, ancien défenseur international, considère d'ailleurs que les bons résultats obtenus par l'équipe nationale sont en grande partie à mettre au crédit de Jomo Sono. “Il a insufflé un état d'esprit qui n'était pas présent avec les autres sélectionneurs, affirmait-il à Southafrica.info. L'atmosphère régnant dans l'équipe pendant la Coupe du monde 2002 a été la meilleure sur les dix ans que j'ai joué en équipe nationale“.
Pelé et Beckenbauer
Mais si Jomo Sono est devenu une véritable légende en Afrique du Sud, c'est aussi pour son implication dans le football local. A la fin de sa carrière en 1982, après un passage au Canada, le Prince Noir revient au pays et rachète le club “blanc” de Highlands Park à Johannesburg. Il le renomme Jomo Cosmos en hommage à son ancienne équipe, les New York Cosmos, où il côtoya Pelé, “le joueur le plus humain de toute l'histoire du football“, et Franz Beckenbauer, “rapide et élégant comme une Mercedes“. Il arpente depuis les ghettos et les zones rurales du pays pour dénicher de jeunes talents. Mark Fish, passé par la Lazio Rome, Phil Masinga, ancien joueur de Leeds et Bari ou encore Aaron Mokoena, actuel défenseur de Portsmouth, ont ainsi été découvert par le “Prince Noir”. “Je les trouve à l’instinct, je ne me l’explique pas. Mais je comprends ces joueurs car je sais où ils ont grandi, je suis comme eux“. L'homme à tout faire du football sud-africain contribue ainsi à ce que de nouvelles légendes s'écrivent dans le pays de Mandela .