Kalusha Bwalya, le miraculé

Publié le par Olivier Loyens, actualisé le

Le 27 avril 1993, un terrible accident d'avion décime l'équipe de Zambie de football. Un joueur, qui a prévu de rejoindre la sélection plus tard, y échappe. Ce joueur, c'est Kalusha Bwalya, le meilleur buteur et le joueur le plus capé de l'histoire de la sélection. Véritable pionnier du football zambien, il en est aujourd'hui aux premières loges, puisqu'il est le président de la Fédération.


La Zambie est une sorte de géant endormi. C'est un pays modeste au vu des titres remportés, mais nous avons été la première sélection africaine à vaincre une grande puissance européenne avec autant de marge.” Kalusha Bwalya est bien placé pour parler de cet exploit. En ce match de premier tour du tournoi olympique de football à Séoul le 13 septembre 1988, la Zambie écrase l’Italie quatre buts à zéro dont un triplé de l’attaquant vedette des Chipolopolos (les boulets de cuivre). Le premier, d’un tir croisé à ras-de-terre. Le deuxième, sur coup franc, en contournant le mur italien par l’extérieur. Le troisième, au terme d’une échappée solitaire. Le parcours des Zambiens s’arrêtera face aux Allemands en quart de finale (4-0), mais le footballeur africain de l’année 1988 terminera deuxième meilleur buteur de la compétition avec six réalisations, derrière un certain Romario.

Un an après l'accident, la Zambie est en finale de la CAN

Mais la belle histoire de Bwalya avec la sélection zambienne s’est transformée en véritable tragédie cinq ans plus tard. Le 27 avril 1993, l’équipe prend un vol pour le Sénégal pour un match de qualifications pour la Coupe du Monde 1994. Le voyage comprend deux arrêts pour des ravitaillements mais au premier arrêt au Congo, des problèmes de moteur sont constatés. Malgré cela, le vol se poursuit et quelques minutes après le décollage d’un deuxième arrêt à Libreville, au Gabon, un des moteurs prend feu. Le pilote ferme alors le mauvais moteur, provoquant la chute de l'avion qui perd toute sa puissance pendant la montée à l'aéroport de Libreville et qui s’échoue dans l'eau à 500 m au large. Les 30 passagers et membres d'équipage, dont 18 joueurs, ainsi que l'équipe nationale de football féminin et le personnel de bord, périssent dans l'accident. Kalusha Bwalya échappe au crash. Le capitaine et l’entraineur de l’équipe, en train de jouer avec son club du PSV Eindhoven (Pays-Bas) devait en effet rejoindre la sélection plus tard. Malgré sa douleur, le meilleur buteur et le joueur le plus capé de l’histoire de la Zambie (50 buts en 100 sélections de 1983 à 2004) accepte de participer à la reconstruction de l’équipe. “Cette décision fut prise par le gouvernement, la fédération et le peuple, expliquera-t-il plus tard. Ainsi, le choix s'imposait de lui-même. J'étais l'ancien capitaine et nous partagions le même objectif : participer à la Coupe du Monde. Lorsque nous avons décidé d'avancer, c'était pour rendre hommage aux héros disparus.“Leurs successeurs, emmenés par le capitaine Bwalya, disputèrent leur première rencontre la même année face au Maroc, à l'Independent Stadium de Lusaka. Les Lions de l'Atlas ouvrirent la marque en première période, mais comme le soutient encore Bwalya aujourd'hui, c'est la foi du peuple zambien tout entier qui inspira le retour triomphal de ses protégés, finalement victorieux sur le score de 2 buts à 1. Dans une ambiance électrique, Bwalya inscrivit le but égalisateur, le premier but depuis le terrible accident. Par la suite, la Zambie fit sensation en accédant à la finale de la CAN 1994. Ou comment atteindre la grandeur dans l'adversité… “Parfois, affirme le natif de Mufulira, il faut puiser au plus profond de soi-même pour dévoiler tout son potentiel.

Membre de la grande équipe du PSV

Le potentiel de Bwalya ne met pas longtemps à se faire connaître. Alors qu’il commence sa carrière au Mufulira Blakpool en 1979 à l’âge de 16 ans, il est transféré dès l’année suivante dans le club plus huppé des Mufulira Wanderers, où il joue jusqu’en 1985, le temps de se faire repérer par les recruteurs européens. L’année suivante, il prend donc la direction de la Belgique, au Cercle de Bruges. Lors de sa première saison, il se distingue comme meilleur buteur de l'équipe avant d'être sacré deux fois joueur de l'année par les fans. Son influence est telle qu'il est enrôlé par le géant néerlandais du PSV Eindhoven en 1989. Bwalya y écrit certaines des plus belles pages de sa carrière, remportant deux championnats des Pays-Bas en 1990-91 et 1991-92. “Nous avions des joueurs de la tempe de Romario, Gerard Vanenburg, Eric Gerets et Hans van Breukelen, se souvient le buteur. Le simple fait d’être membre de ce groupe et de s’entraîner avec ces joueurs tous les jours était une expérience incroyable. La plupart du temps, l’équipe était tellement forte que nous occupions la moitié de terrain adverse.“Après le Bénélux, direction le Mexique, où Bwalya intègre le Club América en 1994. L'enceinte du club est le légendaire stade Azteca, qui suscite chez le Zambien des souvenirs émus:”J'ai eu le privilège de jouer dans le meilleur stade du monde et de pouvoir m'y considérer chez moi.” L'expérience mexicaine a globalement marqué Bwalya, qui a passé près de huit ans de carrière dans ce pays et classe cette période parmi les plus belles de sa vie.

Aujourd’hui, après avoir été joueur, entraineur au Mexique puis sélectionneur de la Zambie de 2003 à 2006, c’est en tant que dirigeant que Bwalya continue sa carrière dans le monde du ballon rond. Après avoir été vice-président de la Fédération de Zambie de Football (FAZ), le meilleur joueur zambien de tous les temps a été élu président en 2008. Les échanges quotidiens sur les pelouses me manquent indéniablement, affirme-t-il, mais mon véritable défi se situe davantage en dehors des terrains. Je suis persuadé de pouvoir aider les instances supérieures du football africain à voir plus clair et plus loin. J’aime vraiment le football africain, j’en suis fou. J’en apprécie chaque minute.” Ainsi est le destin de Bwalya, qui, ayant échappé à un accident d’avion, veut donner des ailes au football africain.

Avatar photo
Olivier Loyens