Avec ce troisième trophée consécutif, les Pharaons d’Égypte concluent une décennie largement dominée par les footballs camerounais et égyptien. En effet, en 2006, les Égyptiens ont commencé leur suprématie continentale en battant aux tirs au but en finale, à domicile, la Côte d’ Ivoire de Didier Drogba. En 2008, l’Égypte récidive au Ghana en battant par un but à zéro en finale le Cameroun de Rigober Song. En 2010, c’est une équipe en fin de règne qui bat en finale par un but à zéro une vaillante, jeune et entreprenante équipe Ghanéenne.
Ceux qui suivent le football africain de près et pour le peu qu’il puisse faire une analyse sans passion, pouvaient anticiper cette domination qui répond plus, selon moi, à un phénomène cyclique ayant pour base à cette argumentation un groupe de joueurs bien structuré issu d’un bon championnat, qui se connaissent bien, qui ont la volonté et le plaisir de jouer ensemble. On ne saurait ignorer également le rôle joué par le coach Hassan Shehata, le meilleur coach africain de tous les temps avec trois coupes d’Afrique des nations consécutives.
Pourquoi cette domination continentale?
Le football, on ne le dira jamais assez, est un travail d’équipe. Cela prend un bon encadrement technique, un leader accepté par tous les coéquipiers comme capitaine, un coach qui comprend ses joueurs et surtout un travail d’équipe. En six ans, on a vu une équipe d’Égypte qui avait toutes ces qualités. La balle est ronde et le terrain est plat pour toutes les équipes, me direz-vous. Oui, c’est vrai. Mais si on prend une approche scientifique on pourrait sans risque de se tromper et sans risque aussi de parler pour parler admettre que les Pharaons étaient mieux outillés et avaient, au cours des six dernières années, des variables lui permettant de dominer les autres équipes africaines à la CAN.
D’abord, son coach local Hassan Shehata prend les commandes des Pharaons en 2004, après avoir dirigé les moins de 20 ans de 2001 à 2003. Il progresse ainsi avec les jeunes qu’il connaît très bien. Il impose rapidement son leadership et n’hésite pas à sortir du groupe les récalcitrants, comme cette mise au banc de Mido lors de la Can 2008.
L'Égypte, c'est surtout un formidable collectif, tactiquement en place, discipliné, technique et très déterminé. En somme une machine redoutable animée par des joueurs évoluant, à une exception près, Zidan, dans leur pays et habitués à jouer ensemble depuis plusieurs années maintenant. C’est enfin une bonne infrastructure sportive, une fédération responsable, une stabilité de l’équipe et surtout un coach digne de ce nom. Ce sont là des variables mesurables et gages de succès. C’est sans doute ce qui explique de façon scientifique le succès continental des Pharaons.
Depuis 2004, les Pharaons ont conquis trois coupes d’Afrique des nations consécutives; en 2006 au Caire, 2008 au Ghana et 2010 en Angola. L'Égypte, c'est également six matchs remportés avec la manière sur six joués au cours de la présente CAN, et quinze buts marqués contre seulement deux encaissés. Ils sont sur une lancée de 18 matchs à la CAN sans défaite. Elle est donc la meilleure équipe africaine de la décennie.
La Côte d’Ivoire : la déception de la décennie
Les Supers Eagles constituent une des déceptions de cette décennie. Cependant elle a su tirer son épingle du jeu avec ses juniors. Même si le maestro Jay-Jay Okocha n’a ni gagné un titre de ballon d’or africain, ni gagné une CAN, il reste aujourd’hui un des meilleurs sinon le meilleur 10 que l’Afrique a produit durant les 10 dernières années. Le Nigéria finit cette décennie avec une mention honorable. Depuis 2000, elle a été 4 fois médailles de bronze (2002, 2004, 2006, 2010), une fois médaille d’argent (2000) et une fois en quart de finale (2008) à la CAN.
Le prix citron de cette décennie reviendrait à Côte d’Ivoire. En effet, tout le monde s’accorde pour dire que c’est la Côte d’Ivoire avec son armada des joueurs, tous titulaires dans leurs clubs européens qui constituent la grande déception des 10 dernières années. Et avec raison. Mais quel gâchis !
Déjà en 2000, feu le général Guei Robert les avaient qualifiés d’antipatriotes. Et c’est ce que les supporteurs continuent à reprocher à cette équipe aujourd’hui. De très bons joueurs qui pratiquent un jeu plus individuel que collectif. Or le football est un jeu collectif. Il faut ajouter à cela l’égoïsme sorte de « m’as-tu vu » qui anime ces joueurs en lieu et place d’un jeu d’entraide pour défendre l’honneur de leur pays. Il faut noter aussi le fait que cette équipe au cours des 10 dernières années n’est pas parvenue à régler son éternel problème défensif malgré tout l’argent des contribuables ivoiriens dépensés pour payer des coaches européens. La côte d’Ivoire est à son troisième coach depuis 2004 et le bilan est le même : pas de défense.
Pas besoin d’être un spécialiste du football ivoirien pour déceler deux problèmes majeurs au sein des éléphants de Côte d’ Ivoire. Son match contre l’Algérie a montré qu’elle n’est pas une équipe au sens réel du terme. Elle ne travaille pas en équipe. Elle n'a que des individualités et chacun joue en solo pour son propre compte. C’est sur un exploit personnel que Kader Kéita inscrit le deuxième but libérateur face aux algériens. Malheureusement ce but n’a duré que le temps de le dire. Car aussitôt le but marqué le naturel est revenu au galop. Les joueurs ivoiriens, fidèles à leurs habitudes ont abandonné leur défense alors qu’il ne restait plus que deux minutes au match.
Leur deuxième problème c’est l’amour pour leur pays. Pas qu’ils n’aiment pas leur pays. Mais leur capacité à défendre les couleurs de la Côte d’Ivoire comme le Cameroun, le Ghana, voire l’Égypte. Ils n’ont tout simplement pas le mental qu’il faut. Les éléphants n'ont jamais mouillés le maillot comme le font les camerounais, les égyptiens, les ghanéens. Sans doute qu’elle aurait besoin d’un bon psychologue sportif. En tout cas elle est sur une pente descente : 2006(finaliste), 2008(demi-finaliste) et 2010(quart-finaliste), 2012 ? Et c’est dommage pour cette génération sortie du centre de formation de l'ASEC Mimosas d’Abidjan en Côte d’Ivoire. Cela pourra prendre des années pour rebâtir une telle équipe.
Que nous réserve la prochaine décennie ?
En conclusion, les 10 dernières années ont vu une domination des Lions indomptables avec les M’boma, Job, Rigober Nsong, Womé, Kala , Étamé Mayer et le très regretté Marc-Vivien Foé pour ne citer que ceux là. Domination résultat du fait qu’une bonne transition avait été effectuée avec le départ de la génération Milla, Nkono, Abéga, les frères Biyik pour ne citer que ceux la. On peut également mentionner que c’est une génération de joueurs qui se connaissent bien. Grâce à cette nouvelle génération de vaillants Lions, qui venaient pour la plus part du centre de formation Kadji Sport Academy et l'École de Football des Brasseries du Cameroun, le Cameroun a connu le bonheur en 2000 et 2002, coupant du coup le retour des pharaons amorcé en 1998.
Cependant ce n’était que partie remise car les pharaons vont installer leur domination continentale à partir de 2006. Ils bénéficient pour cela de la mauvaise transition de génération au Nigéria, mais surtout d’une désorganisation du football camerounais marqué par de nombreuses défections suite à la gestion catastrophique du mondial 2004 et du championnat camerounais. Il faut reconnaître que sur le continent, l’Égypte, le premier pays africain qualifié à une Coupe du monde (1934) est la plus veille nation du football africain. Elle a le championnat le mieux organisé, un coach local respecté, irréprochable et constant, qui, en 2008, a eu le culot de prendre ses responsabilités de mettre sur le banc son meilleur attaquant Mido pour indiscipline. Un exemple que les coaches africains devraient suivre car à cette CAN, on a constaté que certaines stars auraient du rester dans leur club respectif en Europe.
Ainsi, les succès du Lions indomptables du Cameroun et la domination des pharaons d’Égypte ne sont pas le fruit du hasard. Ils résultent tous d’une bonne organisation, d’un bon coaching, d’une bonne préparation, d’un bon groupe de joueurs qui jouent ou qui ont souvent joué ensemble et qui ont le mental pour défendre les couleurs de leur pays. L’Équipe Égyptienne avec cette troisième victoire consécutive avec les mêmes joueurs donc la moyenne d’âge est de 30 ans arrive donc en fin de cycle. L’équipe de Côte d’Ivoire est sur une pente descendante et tombera sous peu dans la zone de transition.
Le Cameroun qui a montré lors de son quart de finale face à l’Égypte un renouvellement presque réussit de ses joueurs devra amorcer une domination continentale dès 2012 lors de la CAN Gabon-Guinée et conclure cette suprématie au stade Ahmadou Ahidjo de Yaoundé en 2016 lors de la CAN qui se déroulera au Cameroun.
Pour y parvenir, il faut faire ses devoirs, à savoir entre autre mettre sur pied une bonne organisation et une responsabilisation de chaque partie prenante. Pour ce faire, le Cameroun pourrait appliquer un management stratégique en s’inspirant de la loi de Pareto soit la règle 80/20 et non l’inverse comme cela s’est passé depuis la débâcle de 2004. En plus simple il s’agit pour les autorités sportives camerounaises de comprendre que la gestion de l’équipe nationale ne devrait pas se réduit à un contrôle de l’équipe, mais devrait consister fondamentalement à décoder et accompagner les faits, et c’est à cela que la loi de Pareto aiderait en suggérant de se concentrer sur le petit nombre de faits qui va expliquer le plus de choses.