“On a déjà monté un dossier UEFA au cas où…” Rencontre avec Samir Chaibeddra, l’entraîneur franco-algérien invité surprise en finale de la Coupe de Suisse

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A 35 ans, le jeune entraîneur franco-algérien Samir Chaibeddra va vivre un moment historique dimanche à Berne, où le FC Biel-Bienne, qui évolue en 3e division suisse, va disputer la finale de la Coupe nationale face au FC Bâle. Pour Afrik-Foot, le technicien a accepté de revenir sur le parcours historique de son équipe.

Samir Chaibeddra, comment avez-vous vécu avec vos joueurs les derniers jours qui ont précédé cette finale, la première du FC Biel-Bienne depuis 1961 ?

Nous avons pu ressentir beaucoup d’effervescence autour de ce match. Les habitants de cette ville de 57 000 habitants sont très concernés, beaucoup parlent de ce match. Les maillots, les écharpes, les casquettes se vendent tellement bien que le club est en rupture de stock et a passé une commande pour recevoir de nouveaux articles. 

Il y a des supporters qui cherchaient encore des places, car le contingent de 12 500 billets nous revenant est vite parti. Et après la finale, il y aura un rassemblement sur la place principale, que l’on gagne ou que l’on perde. Quant à nous, il y a eu pas mal de sollicitations médiatiques. Mais on essaie de ne pas trop changer nos habitudes.

Vous n’aviez pas prévu de mise au vert ?

Non. Les entraînements étaient ouverts jusqu’à jeudi, et ensuite, nous avons tout fermé. La veille de la finale, nous pourrons même nous entraîner sur la pelouse de Berne. Et comme la capitale n’est distante que d’une vingtaine de kilomètres, nous y retournerons dimanche en fin de matinée, en bus et sous escorte.

” Si on perd, personne ne nous en voudra”

Pour en arriver là, Biel-Bienne a réalisé un parcours épatant, en éliminant notamment Neuchâtel Xamax (2-1, L2), mais surtout Lugano (2-0) et les Young Boys Berne (1-0)…

Oui. Notre victoire contre Xamax (2-1) était déjà une très belle performance. Mais on ne pensait pas aller aussi loin. Nous avons ensuite éliminé deux formations de niveau amateur – FC Besa (6-1) et Langethal (6-0) – ce qui nous permis d’arriver en quarts de finale contre Lugano, qui a joué la Ligue Europa cette saison. Notre plus bel exploit, c’est d’avoir battu les Young Boys, le champion en titre. Ce fût un grand moment, devant nos supporters. Une équipe de D3 en finale, c’est rare, en Suisse ou ailleurs.

Dimanche, vous allez vous mesurer au FC Bâle, nouveau champion de Suisse, où évolue un certain Xherdan Shaqiri…

Le favori, tout le monde le connaît ! Si on perd, personne ne nous en voudra. Le FC Bâle est une des meilleures équipes suisses, Shaqiri est un super joueur, capable de faire la différence à n’importe quel moment.

Xerdan Shaqiri, Suisse
© Iconsport

Nous sommes en finale, on a aussi envie de la gagner, même si nous savons que ce sera difficile. Mais nous avons éliminé des équipes supérieures à la nôtre. On va donc jouer ce match pour faire le meilleur résultat possible. Nous voulons réussir cette finale. J’ai une équipe jeune, ambitieuse, qui réalise une saison extraordinaire, puisqu’elle a terminé à la troisième place de notre groupe, ce qui hélas n’est pas suffisant pour monter en Ligue 2. 

J’ai des joueurs qui travaillent à côté du foot, d’autres qui sont prêtés par Clermont Foot, Lausanne ou le Servette Genève. On va peut-être participer à l’Europa League la saison prochaine si on gagne cette finale. Le club a déjà monté un dossier pour l’UEFA au cas où… Ce qui nous arrive est extraordinaire. Il faut profiter de chaque instant.

“Les médias algériens ont parlé de moi”

Vous n’aviez jamais entraîné une équipe senior, puisque vous aviez auparavant dirigé des jeunes à La Duchère, avant d’être adjoint au GOAL FC, deux clubs de la banlieue de Lyon. Comment imaginez-vous votre avenir ?

Je suis ici depuis mars 2023. Je suis jeune, j’ai encore des diplômes à passer (UEFA PRO), et je suis sous contrat jusqu’au 30 juin 2026. Ici, j’ai trouvé un cadre de vie idéal pour ma famille. La Suisse est un beau pays, très agréable, très sûr. Professionnellement, je m’y sens parfaitement bien, et j’ai envie d’y rester encore quelques années. 

Vous êtes d’origine algérienne. Et en Algérie, votre parcours avec votre équipe n’est visiblement pas passé inaperçu…

En effet. Je suis né en France, mais mes parents sont originaires d’Oran et de Tlemcen. Quand j’étais enfant, je passais toutes mes vacances d’été en Algérie, j’en garde d’excellents souvenirs, et j’ai toujours eu un lien étroit avec mon pays d’origine. Je suis l’actualité du football algérien. Et oui, avec les résultats en Coupe, on a parlé de moi dans les médias, j’ai eu des journalistes au téléphone J’ai été contacté il y a quelques jours par le Consul d’Algérie à Genève. Il est possible que l’ambassadeur d’Algérie en Suisse assiste à la finale.

Est-il exact que votre nom a circulé récemment dans des clubs algériens ?

Oui. Quand Eric Chelle a quitté le MC Oran pour signer au Nigeria en mars, j’avais lu que j’avais été contacté pour éventuellement le remplacer. Ce n’était pas le cas. Je n’ai jamais eu de contacts avec le MCO ou un autre club. Mais je suis bien sûr très flatté qu’on parle du parcours de Biel-Bienne en Algérie dans les médias ou sur les réseaux sociaux, cela me fait plaisir. J’essaie simplement de faire mon travail du mieux possible…

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Alexis Billebault

Journaliste spécialisé dans le football africain depuis le début des années 2000, j'ai travaillé sur les 11 dernières CAN.