Sénégal : Serigne Saliou Dia – « l’objectif premier n’était pas de gagner la CAN U17 »

Vainqueur le 19 mai dernier de la première coupe d’Afrique des nations des moins de 17 ans avec le Sénégal, Serigne Saliou Dia est revenu sur ce sacre dans cet entretien accordé à Afrik-Foot.com. Entretien au cours duquel le sélectionneur des Lionceaux U17 a évoqué le scénario irrespirable de la finale face au Maroc (2-1) et les responsabilités de capitaine de l’attaquant Amara Diouf à seulement 14 ans. L’ancien sélectionneur du Sénégal U23 s’est projeté sur la préparation de son équipe en direction de la Coupe du monde en novembre 2023. Il a également révélé les recettes de l’insolente réussite que connaît le football sénégalais depuis un peu plus d’un an.

Entretien réalisé par Yoro Mangara

Coach Serigne Saliou Dia, que représente ce sacre du Sénégal dans cette CAN U17 et qu’avez-vous ressenti au coup de sifflet final ?

C’est une victoire pleine d’émotions. On a ressenti beaucoup de bonheur au coup de sifflet final face au Maroc dans cette finale. On a ressenti beaucoup de fierté pour tout ce qu’on a pu faire pour arriver à ce niveau. Cela n’a jamais été fait au Sénégal. Le bon Dieu nous a permis d’être les premiers à décrocher ce titre de champion d’Afrique cadets. C’est un immense plaisir. La première personne à qui j’ai pensé a été ma maman parce qu’elle est décédée quelque temps après que j’ai pris en main cette sélection U17. C’était important pour moi de lui rendre hommage. C’était la meilleure manière d’honorer sa mémoire.

À quel moment vous êtes-vous dit, « mes garçons vont le faire » ?

Pour dire vrai, on a senti qu’ils pouvaient, qu’ils allaient le faire. Dès que Mamadou Savané est entré en jeu, on a commencé à gagner les duels aériens. L’entrée de Chérif Niabaly nous a fait du bien. Il est rentré, il a essayé de faire la différence sur son côté. Il a réussi à faire reculer son latéral direct. Là, on s’est dit que la solution n’était plus très loin. Il fallait juste continuer à pousser, ils ont eu plus le ballon dans l’axe. Ce qui a permis à Savané de jouer dans un confort dans les airs avec Amara Diouf autour. Ce qui a fonctionné et qui a fait la différence dans cette fin de match.

Avez-vous un moment pensé que c’était mort avec la défense marocaine qui ne laissait aucun espace ?

On ne s’est jamais dit que c’était mort. Il faut rappeler que, chez les jeunes, la victoire finale n’est pas une exigence. Dans cette petite catégorie, on nous demande plutôt une excellente formation, avoir des joueurs capables en un ou deux ans d’évoluer en sélection U20 et U23. Cela passe par une bonne formation, par la culture d’attitudes qui vont nous permettre d’avoir des joueurs de haut niveau. Quand tu formes bien et vu la dynamique victorieuse actuelle des sélections sénégalaises, ce genre de résultats pouvait bien arriver. Cela a été la cerise sur le gâteau pour nous, mais l’objectif premier n’était pas d’aller gagner. C’était d’avoir des footballeurs bien formés mais surtout des hommes parce qu’après le football il y a la vie. Une carrière de footballeur ça passe très vite. Il fallait travailler sur leurs attitudes sur et en dehors du terrain.

Sénégal, CAN U17, sacre
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« Amara Diouf a eu une attitude que seul un leader peut avoir »

Comment avez-vous trouvé le niveau de ce tournoi et des sélections africaines ?

Le niveau africain se rapproche de plus en plus du niveau européen. On est en train de bien travailler. Lorsqu’on voit ces sélections, le Burkina Faso avec d’excellents joueurs, le Maroc avec de jeunes joueurs qui ont déjà cette culture tactique du bloc bas et hermétique. Quand on voit l’excellente équipe du Mali avec un jeu intérieur très propre. Le Sénégal aussi, même si on partait de loin. Et même d’autres équipes dans ce tournoi éliminées avant les demi-finales comme l’Algérie ou encore l’Afrique du Sud qui avait une belle équipe. Le niveau est en train d’être élevé. C’est le plus important au niveau de la formation. Savoir ce qui se fait au haut niveau, essayer de travailler pour y arriver. On est plus très loin du niveau des sélections européennes, au niveau de ce qui se fait de mieux en petites catégories.

Vous avez confié le brassard de capitaine à un gamin de 14 ans, Amara Diouf. Qu’est-ce qui explique cette décision de votre part ?

On dit qu’aux âmes bien nées la valeur n’attend point le nombre des années. C’est un joueur que je connais bien pour l’avoir vu à Génération Foot depuis quelques années. Il a une bonne maîtrise, il a déjà un bon niveau d’études.  Il dégage une sérénité, il sait déjà ce qu’il veut et comment l’atteindre. C’est un leader technique et lorsqu’on le voit au milieu de ses partenaires, on sent que c’est un leader né. On a la chance de le former.

C’est important de responsabiliser ces jeunes joueurs qui sont au-dessus de la mêlée. Cela les aide dans le jeu d’avoir plus de responsabilités, à peser et à travailler un peu plus pour les partenaires. Ce qui est important. Même si cela peut être une source de déstabilisation pour un joueur aussi jeune. Mais cela ne l’a pas inquiété le moins du monde malgré la tentative de déstabilisation qu’il a vécu sur son âge. Je revois ses photos de 2017 quand il a joué la Danone Nations Cup. C’était un vrai gamin qui pendant le match s’asseyait pour jouer aux cailloux. S’il n’a pas été à son niveau contre le Burkina Faso, ce n’était pas parce qu’il était déstabilisé par les rumeurs sur son âge. Il avait une grosse fièvre la veille. Mais il a tenu à jouer, il a tenu à aider l’équipe. C’est une attitude que seul un leader peut avoir.

Amara Diouf, Sénégal, CAN U17
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« Bien se préparer signifie avoir des adversaires qui seront à la Coupe du monde »

En novembre prochain, il y a la Coupe du monde cadette. Comment ça se présente ?

On va d’abord se reposer et profiter de ce sacre. On sort d’une compétition extrêmement difficile. Nous avons fait presque 4 mois de préparation et un mois de compétition. On a tous besoin de recharger les batteries. Un plan programme sera mis en place très prochainement. La direction technique et le président de la Fédération devraient axer la priorité sur une bonne préparation. Bien se préparer signifie avoir des adversaires qui seront à la Coupe du monde, des adversaires qui ont le même profil que les équipes de Coupe du monde. Il faudra attendre tranquillement le tirage au sort pour savoir ce qui nous attend et peaufiner notre préparation afin d’être prêt avant le début de la coupe du monde.

Ces 16 derniers mois, le Sénégal a remporté au moins 5 trophées continentaux. Qu’est-ce qui explique cette réussite ?

Les explications sont multiples. D’abord nous avons une Fédération très stable. Un président de Fédération visionnaire, qui anticipe les événements à l’avance. Nous avons également une direction technique nationale très forte, avec des programmes sur 4 années. Une direction technique qui a su mettre en place des structures comme la CONEFS (Coordination nationale des écoles de football du Sénégal) qui maintenant organise un championnat en U15 entre écoles de football. Avoir aussi des infrastructures comme le centre Jules Bocandé à Toubab Dialao (à 55 km de Dakar, ndlr) qui nous permet d’organiser des regroupements à tout moment. Avoir aussi cette possibilité de faire des matchs amicaux partout dans le monde. Nous avons également des centres de formation excellents qui forment énormément de joueurs. Sans oublier tous ces éducateurs partout dans le pays qui travaillent depuis longtemps. Toutes ces choses font que l’environnement du football sénégalais est propice pour avoir d’aussi bons résultats.

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Yoro Mangara