Boukary Dramé : “on ne m’a pas assez fait confiance avec le Sénégal” [Exclu]

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Ancien international sénégalais (12 sélections entre 2005 et 2014), Boukary Dramé avance bien sur son après-carrière. A 40 ans, l’ex-latéral gauche formé au Paris Saint-Germain a récemment obtenu sa licence UEFA A. Membre du staff technique du FC 93 (National 2), l’ex-joueur de Sochaux, la Real Sociedad, l’Atalanta Bergame ou encore du Chievo Vérone a accordé une interview exclusive à Afrik-Foot. L’occasion de revenir aussi sur son parcours en sélection avec quelques anecdotes mémorables à la clé.

Interview réalisée par A.P.

Félicitations pour l’obtention du diplôme UEFA A. C’est quoi la suite ?

Merci ! C’est ma troisième année d’entraîneur. Ma première année, je l’avais faite avec les U16 R3 ici au FC 93. C’était plutôt de l’apprentissage au niveau social je dirais, en dehors du terrain. J’ai davantage appris la saison passée, quand j’ai intégré le staff de l’équipe première du club, qui évolue en N2. J’ai commencé vraiment à diriger des entraînements, à mettre en place des séances. J’ai commencé à apprendre. 

Je suis encore très jeune comme coach. J’aimerais continuer à apprendre, à engranger de l’expérience et puis, après, on verra. En Italie, où je compte passer la suite de mes examens, la prochaine étape, c’est le diplôme UEFA Pro. Je veux me préparer à ça. En France, pour l’instant, je peux être n° 1 jusqu’en N3 me semble-t-il ou alors adjoint en Ligue 1.

Est-ce que cette reconversion vous plaît ? Jusqu’où vous voyez-vous aller ?

Oui, ça me plaît. J’apprends au fur et à mesure. Cette saison, ce sera un autre Boukary, sur certains points. Et puis, je vais chercher à aller le plus haut possible. Il ne faut pas se fixer de limites. Le football, ça peut aller très très vite ! Je ne calcule pas, je fais au mieux et puis, on verra. C’est difficile de se faire un plan de carrière en tant que coach. On ne dépend pas forcément de soi. Il y a moins de place que lorsqu’on était joueur. On verra. Pour l’instant, je cherche vraiment à engranger de l’expérience sur le plan personnel. Et après, je verrai. 

Boukary Dramé coach, c’est comment ?

La nature humaine ressort. Les joueurs ressentent qui on est humainement. J’arrive à comprendre les joueurs facilement vu que j’ai été à leur place auparavant. Je les comprends sur certaines situations, que ce soit sur le terrain ou en dehors. J’arrive à mieux les comprendre, à mieux les conseiller pour faire en sorte qu’ils progressent. La saison dernière, par exemple, je pense que j’ai réussi à apporter ma petite touche sur le plan défensif à l’équipe, surtout en première partie de saison, et on l’a vu avec les résultats qui ont bien marché. 

“Je n’essaie pas de prendre exemple sur un entraîneur en particulier”

Avez-vous des références ou des modèles en tant qu’entraîneur ?

Je regarde des matchs. Mais je n’essaie pas de prendre exemple sur un entraîneur en particulier. Je regarde un peu tout ce qui se fait. Après, je m’appuie surtout sur ce que j’ai vécu pendant ma carrière. C’est ce qui me vient instinctivement. Ce que je connais, ce que je maîtrise, ce que je sais.

Je n’invente pas autre chose, même si je suis toujours prêt à apprendre, car il n’y a pas qu’une formule qui marche et que le football est en perpétuelle évolution. Je ne suis pas fermé, mais je me sers de tout ce que j’ai appris, de tout ce que je sais et que je connais. 

Un mot sur cette expérience au FC 93, club ambitieux de la région et de N2 ?

Moi j’ai été formé au Paris SG et j’ai débuté en CFA avant d’intégrer l’équipe première. Donc je connaissais ce niveau, même si c’est vrai que ça a bien évolué, que ce n’est plus pareil. Il y a beaucoup plus de terrains synthétiques aujourd’hui qu’auparavant. Ça joue différemment, mais ça reste le même niveau. 

J’étais un peu éloigné de ce niveau pendant un certain temps, donc il a fallu se réadapter. Mais je n’ai pas eu trop de difficultés. Ce qu’on peut voir, c’est qu’on a beaucoup de joueurs qui auraient pu arriver à jouer en Ligue 1 ou en Ligue 2 au niveau pro, il leur a manqué peu de choses pour y parvenir. Il y a donc un bon niveau. Tout le monde ne peut pas accéder là-haut. Il y a une bonne base de travail. 

“J’avais été appelé en sélection avant d’être pro au PSG”

Racontez-nous vos débuts en sélection sénégalaise ?

J’avais été appelé en sélection avant d’être pro au PSG. Je n’avais pas joué, c’est Guy Stéphan qui était coach. C’était la génération 2002, avec Khalilou Fadiga, qui m’a accueilli, qui m’expliquait tout. Je ne pouvais pas refuser quand on a fait appel à moi. J’étais comme un enfant au début. Je ne jouais même pas en pro, même si je savais que j’allais signer pro. C’était quelque chose de grand d’être là, comme un rêve. 

Mon premier match à domicile, on joue le Togo, on fait nul (2-2). On met 3 ou 4 heures à sortir du stade. Les supporters étaient en furie, ils voulaient notre peau. Tout le long du trajet, on se fait escorter par la police, on prend des jets de pierre de partout. On nous dit que les vitres du car sont renforcées et qu’elles ne cèderont pas. Quelques instants plus tard, ça finit par céder. Tout le monde se baisse dans le couloir au milieu. C’était ça ma première sélection. Bienvenue en Afrique. On apprend, c’est comme ça. 

Boukary Dramé, Atalanta
© Imago

Vous avez démarré aux côtés des légendes Henri Camara, El-Hadji Diouf, Tony Sylva, Papa Bouba Diop, Habib Beye, Lamine Diatta. C’était comment ?

Ce sont des véritables légendes. Je les regardais quand j’étais au centre de formation moi ! J’étais comme un enfant d’être avec eux. Tu es arrivé, maintenant, il faut bosser !

Quels souvenirs gardez-vous de votre CAN en 2006 ?

C’était une CAN assez compliquée, même si on arrive en demi-finale. On a des résultats assez moyens, même si c’est passé. C’est dommage, on aurait pu faire mieux. On avait une bonne équipe. La demi-finale, contre l’Égypte, à domicile, nous reste en travers de la gorge, parce qu’on pense qu’on s’est fait avoir par l’arbitre.

Equipe Sénégal, CAN 2006
© Imago

Mais après, voilà, l’Égypte a finalement remporté le trophée. Ça a été une bonne expérience, intéressante, ça a été ma seule CAN.  Je n’avais pas encore beaucoup d’expérience en pro à ce moment-là, mais c’était bien. 

Que vous a-t-il manqué pour avoir encore plus de sélections ?

Peut-être plus de caractère. Je trouve qu’on ne m’a pas assez fait confiance. On n’était pas non plus 10 à mon poste. Je méritais d’être appelé, je dis ça parce que, quand on connaît le football africain, ce ne sont pas toujours ceux qui sont appelés qui méritent de l’être. Mais voilà. Je trouve qu’on ne m’a pas assez fait confiance. 

Boukary Dramé, Sénégal
© Imago

Surtout au moment où c’est reparti avec Amara Traoré comme sélectionneur, on parlait de reconstruction, on avait commencé en amical contre la Grèce avec une victoire (0-2, en 2010). On enchaînait et, d’un coup, on m’a enlevé, avec l’arrivée de mon pote Cheick M’Bengue.

C’est la concurrence, c’est le football. Mais on a parfois mis Guirane N’Daw latéral alors qu’il est milieu et que j’étais là. Peut-être qu’il y a des choses que j’ignore, des choses que j’aurais dû faire différemment. Mais moi, je pense ne pas avoir triché, j’ai la conscience tranquille, j’ai fait au mieux, après, ce n’est pas moi qui décidait.  

Interview réalisée par A.P.

Equipe Sénégal, CAN 2006
L'équipe du Sénégal à la CAN 2006. En haut, de gauche à droite : Pape Mamadou Diouf, Abdoulaye Faye, Dino Djiba, Guiranne NDaw, Issa Ba, Pape Malickou Diakhaté. En bas, de gauche à droite : Diomansy Kamara, Souleymane Camara, Rahmane Barry, Omar Daf, Boukary Dramé. © Imago
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Lantheaume Romain

Je suis tombé amoureux du foot africain avec Didier Drogba, puis j’ai découvert Afrik-Foot en 2013. Depuis, nous ne nous sommes plus lâchés !