Sébastien Bassong : “au Cameroun, si tout se passe bien, ce n’est pas normal” [Exclu]

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Passé par Tottenham, Newcastle ou encore Norwich, Sébastien Bassong été international camerounais pendant sept ans. L'ancien défenseur a raccroché les crampons en 2020, et réside toujours en Angleterre, où il s'est lancé dans le développement personnel. En exclusivité pour Afrik-Foot, il s'exprime sur son actualité, sa vision de l'évolution du football africain… sans oublier son pays et ses Lions Indomptables !

Sébastien, Tottenham – ton ancien club – a gagné la Ligue Europa, et le PSG – ton club de coeur – la Ligue des Champions…, on imagine que tu vas bien en ce moment ?

Je vais très bien ! Newcastle ayant aussi gagné la Coupe de la Ligue, le FC Metz étant monté en Ligue 1… J’ai fait un 4/4 ! C’est difficile de faire mieux !

En juin 2024, tu nous offrais ton regard sur l’Euro en tant que consultant. Comment tu te sens dans ce nouveau métier ?

Ce n’est pas vraiment mon métier, mais plutôt quelque chose que je fais à côté. Un art que je suis en train de perfectionner. Ce n’est pas facile, mais intéressant. Ça me permet de rester de manière active dans le foot, de rester proche du terrain car j’analyse, et ça me permet de donner mon regard à moi.

Tu as également lancé un podcast… peux-tu nous en dire plus ?

En effet, un podcast qui s'appelle “Ballon, Main, Corps”, constitué de Ricardo Faty (ancien international sénégalais) Quentin Westberg et moi-même. C’est une réunion de famille hebdomadaire, une discussion à laquelle on invite tout un chacun à prendre part, un peu comme au quartier, en Afrique, entre nous.

On discute des dessous de la carrière de footballeur, de nos vies, de ce qu’on ressent à l’intérieur du métier, et on reçoit des invités super intéressants. Il y a beaucoup de bonne humeur. C’est un concept qui n’a pas de fin car il y a beaucoup de choses à discuter, et on aime ça.

“Le football africain doit davantage travailler sur ses qualité”

As-tu également des projets en lien avec le Cameroun ou le continent africain ?

On a des envies. On verra si les projets vont se matérialiser. Il ne faut pas se précipiter. Il y a un engouement pour faire des projets sur le continent, mais il faut bien cibler. J’ai des idées spécifiques qui sont liées à mon activité à moi. Je ne suis pas pressé, car je ne veux pas suivre une tendance ou une mode. Je préfère apporter la qualité plutôt que la quantité.

Tu as pris ta retraite il y a cinq ans. Depuis ton époque, quelle évolution sens-tu dans le football africain ?

La diaspora joue un rôle énorme aujourd'hui. Les enfants de la diaspora retournent mettre leurs compétences à contribution, en tant que coachs, formateurs… en plus des joueurs. Les coachs africains, même ceux qui sont sur place, sont beaucoup mieux formés, ouverts à l’apprentissage. Les équipes nationales et même les clubs montrent une progression constante. Chacun va à son rythme mais le football africain évolue de la meilleure des manières.

Ce que j’aimerais souligner, c’est le besoin d'authenticité : il faut vraiment que chacun reste lui-même. Le football africain, avec ses particularités, doit davantage travailler sur ses qualités que penser à ses défauts.

“On n’a pas su tirer profit de notre génération”

Tu as disputé 19 matchs avec ton pays, le Cameroun, entre 2009 et 2015. Quel a été ton meilleur souvenir en sélection ?

J’en ai beaucoup… Après, j’ai souvent été sur le banc. Mais au travers de toutes ces années, j’ai beaucoup d’anecdotes. L’arrivée en Afrique du Sud en 2010, par exemple (pour la Coupe du monde, ndlr). En tant que Camerounais représentant vraiment l’Afrique… en Afrique. C’est là où j’ai compris l’importance et l’impact des Lions Indomptables sur le monde entier.

Et le plus difficile ?

Il y en a beaucoup aussi (rires). Par exemple, il y a des situations où j’ai été écarté juste avant certaines CAN, c’était difficile pour moi.

Sébastien Bassong, Tottenham
©IconSport

Tu considères que votre génération était la « génération dorée », comme beaucoup de Camerounais l’ont appelée ?

Non, plutôt comme une génération qui avait du talent. Comme toutes les autres, pas plus dorée qu’une autre. On était juste particulièrement exposés parce qu’on jouait dans de bons clubs européens. Mais on n’a pas su en tirer profit. On n’a pas su jouer à l’unisson parce qu’on n’arrivait pas à former un groupe, malgré nos bonnes individualités. Former une équipe, c’est un art difficile. Et c'est dommage que l'on n'ait rien gagné.

“Celui que j’apprécie le plus sur le terrain, c’est Carlos Baleba”

Y a-t-il un joueur actuel des Lions dont tu apprécies particulièrement le profil ?

Celui que j’apprécie le plus sur le terrain, en plus de la proximité géographique ou personnelle, c’est Carlos Baleba. Je le vois régulièrement car j'habite également en Angleterre. Il est arrivé en sélection il n’y a pas très longtemps et a rapidement eu un gros impact. Il représente le futur des Lions Indomptables.

Aujourd’hui, le Cameroun présente une situation paradoxale : un football en profonde crise, tiraillé par des conflits. Mais l’équipe nationale est invaincue sous l’ère Brys, et de nouveaux binationaux continuent de rejoindre la tanière. Comment expliques-tu cela ?

Au Cameroun, si les choses se passent trop bien, c’est que ce n’est pas normal. Et c’est entré dans l’inconscient collectif. À tort d'ailleurs. Car on peut évoluer en ayant un climat apaisé.

Aujourd’hui, il y a des tensions, des divergences d’opinion, des quiproquos… mais l’équipe nationale fanion, l’entité de la nation, gagne. C’est le principal. Peu importe qui est à sa tête. Je ne pense pas qu’il faille faire la différence entre binationaux et joueurs formés au pays : ce sont tous des Camerounais qui veulent jouer pour le Cameroun. Les conflits, dans un club, une fédération, ou même une famille, il y en aura toujours. Ce qui compte, c’est qu’on tire dans le même sens.

“Ce ne sont pas les plus grandes années du Cameroun”

À six mois de la CAN, quelles sont les chances du Cameroun ? Jusqu’où les Lions peuvent-ils espérer aller selon toi ?

Ils ont leur chance comme à chaque compétition, car le Cameroun reste le Cameroun, même si ce ne sont pas les plus grandes années du pays. Un Lion ne meurt jamais, il dort ! On a nos chances d’arriver dans le dernier carré. Et une fois dans les quatre derniers, ça sera l’expérience, le “hemlè” (combativité, ndlr) qui parlera !

Pour finir, aurais-tu un message à transmettre aux supporters camerounais ?

Continuez de briller, d’exceller dans ce que vous faites dans votre vie et partout où vous allez. Soyez derrière les Lions comme vous l’avez toujours été.

Sébastien Bassong, Norwich
©IconSport
Sébastien Bassong : “au Cameroun, si tout se passe bien, ce n’est pas normal”  [Exclu]

Louis Mukoma Fargues