“Vinicius va sûrement vouloir venir…” Les Brésiliens à la découverte de leurs racines africaines

Publié le par DOUCET PHILIPPE

Durant le mois de décembre, la banane plantin a rassemblé footballeurs brésiliens et camerounais de Douala à Yaoundé ! Dans le cadre de ce festival, ces deux pays producteurs se sont offert deux rencontres de prestige. Deux nouveaux Brésil-Cameroun, deux ans après celui de la Coupe du monde au Qatar… Mais c’est surtout la rencontre des Brésiliens avec leurs origines qui a fait beaucoup parler ! Surtout après la révélation du test ADN de Vinicius…

Edmilson était déjà venu au Cameroun en juillet lors de la conférence de presse pour présenter l’événement. L’ancien défenseur lyonnais, barcelonais et champion du monde 2002 pointe tout de suite le « plaisir de retrouver tous ces anciens coéquipiers et adversaires. Et puis, Brésiliens et Camerounais, c’est un peu pareil. Dans nos clubs, nous étions toujours très proches, entre Brésiliens et Africains ! » Un dernier argument qui ne peut laisser indifférent et nous fait dépasser largement le cadre de ces Brésil-Cameroun qui ont souvent pimenté nos Coupes du monde ou J.O. (1994, 2000, 2014, 2022)… 

Edmilson, Brésil
© Iconsport

Ils sont dix-sept anciens internationaux brésiliens à être venus de si près et si loin à la fois. Lorsque la terre n’était qu’un seul continent, le Cameroun était probablement collé à Fortaleza ou Recife sur la côte nord-est du Brésil. Et un vol direct pourrait rapprocher singulièrement les continents. Pour autant, la grande majorité des présents ne sont jamais venus en Afrique. Alors comment expliquer cette attente, cette ferveur particulière à l’occasion de la venue des Brésiliens en Afrique centrale ?

L’ancien meneur parisien Valdo résume ce sentiment très intérieur :

« Vous savez, pour nous au Brésil, la deuxième équipe au Mondial, c’est le Cameroun ! On a beaucoup plus d’infos sur le Cameroun que sur d’autres pays d’Afrique ».

L’inverse est encore plus vrai quand l’Afrique soutient ouvertement le Brésil à chaque rendez-vous mondial. On tente une timide explication liée au parcours camerounais en 1990 jusqu’en quart de finale. Une première africaine alors ! Mais Valdo recentre tout de suite le débat :

« Ce sont surtout nos origines africaines. On le ressent. Dès que l’on parle du Cameroun au Brésil, on a le sourire. Il y a cette chose qui nous rapproche. C’est plus qu’un lien. »    

Le test ADN de Vinicius

En plus, la venue des internationaux brésiliens a été précédée d’un événement qui a enflammé le « continent » : le test ADN révélant que Vinicius venait du Cameroun ! Les Brésiliens feraient-ils tous des tests ADN pour savoir où sont leurs origines datant de l’esclavage ? L’ex-Lyonnais Sonny Anderson (OM, Monaco, Barça) a un avis assez tranché :

« Je suis assez tenté de le faire au retour en France où je vis. Je pense que je viens du Cameroun. Lorsque j’ai vu tous ces visages à l’inauguration du Festival, je croyais voir mon père décédé. Or, il ne nous a jamais dit d’où il venait. Mais on sait que l’esclavage vers le Brésil a démarré par ici. Le premier esclave arrivé à Salvador vers 1800 était un Camerounais ! Je vais demander à ma mère à mon retour… »

Même interrogation tenace chez d’autres joueurs. Comme Michel Bastos (Lille, Lyon…). « Si je fais le test ADN, on va sûrement me trouver des parents ici. On a tous un côté africain chez nous ». Marcos Ceara, l’ancien du PSG, lui, ne fera pas le test : « Non, je sais déjà que notre sang est africain. Un mélange de Portugal, d’Afrique… » Mais Claudio Caçapa, l’ancien capitaine de l’OL, décrit son intérêt, ancien déjà :

« En fait, on en avait beaucoup discuté avec ma femme et ma fille. Autour de l’idée de venir ici un jour ! Ça tombe maintenant, j’en profite au maximum. Et ce serait une bonne idée de faire le test ADN en rentrant. Vinicius a ouvert une porte. Si je suis d’origine camerounaise ou d’un pays voisin, je serais content car on est une famille. »

On trouvera bien une magouille pour faire jouer Vinicius avec nous

Valdo, lui, sait déjà. « Moi, mon ancêtre est venu du Congo jusqu’à Salvador de Bahia. Et après, la famille est partie à droite, à gauche, jusqu’à Santa Catarina au sud du Brésil, où je suis né. » Dans le vestiaire d’en face, le test ADN de Vinicius fait beaucoup parler.

« On en parle avec les Brésiliens, avoue Jean II Makoun. Ca fait plaisir de voir qu’ils veulent savoir d’où ils viennent. » Mais la fierté du drapeau affleure très vite. « Beaucoup de nos ancêtres sont partis là-bas. Sonny me dit qu’il vient de là. Kylian Mbappé, le capitaine de la France, est venu ici voir ses origines. Quant à Vinicius, je vous assure qu’il a déjà une carte d’identité camerounaise », se marre l’ancien milieu lyonnais.

Et quand on lui fait remarquer qu’il joue déjà pour le Brésil, il ne renonce pas à rigoler sur le sujet. « On trouvera bien une magouille pour le faire jouer avec nous. Avec tous ces Brésiliens, on va avoir une sacrée équipe à la prochaine CAN » 

Jean II Makoun, Cameroun
© Iconsport

Derrière la farce, Geremi, le Président du syndicat des joueurs, la FIFPRO Cameroun, se veut très sérieux.

« Cela prouve que nous avons la chance d’avoir de bons gênes. Quand on voit les sacrés joueurs qu’il y a eu au Brésil. On a le regret qu’ils n’aient pas joué pour le Cameroun, plutôt que le Brésil. Mais, pour ça, il faut avoir un football organisé. On apprend le professionnalisme dans le bas âge. En respectant les textes, en développant les infrastructures, les conditions de vie des joueurs. Et, là-dessus, le Brésil a de l’avance sur nous ! ».  

Plus loin, Eric Djemba-Djemba (ex-Manchester United) goûte à l’événement avec légèreté. « Au Cameroun, on dit qu’on est (ou était) les Brésiliens de l’Afrique ! Quand c’est le Brésil en face, il y a toujours un grand plaisir et le public attend ça… » Justement, un petit tour dans les immenses tribunes de Japoma (Douala) et Olembé (qui n’avait plus vu un match depuis la finale de la CAN en janvier 2022…) nous donne une idée du ressenti populaire.

Caçapa pousse pour Vinicius

Beaucoup de spectateurs portent les deux drapeaux, brésilien et camerounais. Simple opportunisme, alors que les deux matches ont offert deux fois des 3-3 spectaculaires ? Mais les mots sont bien plus forts que ça.

« Brésil et Cameroun, c’est la même famille. » Et ça revient vite sur Vinicius. « Regardez-le, il ressemble à un Camerounais. Quand il viendra, on lui servira le Ndolé ! Pareil avec Tais Araujo, l’actrice brésilienne de Telenovelas qui a récemment dit qu’elle venait aussi du Cameroun ! »

Le lien est décidément très fort. Et très nationaliste aussi… Mais Caçapa parie que Vinicius n’en restera pas à ce coup d’éclat à distance.

« Je le connais bien. J’étais son coach en sélection U15 au Brésil. Il va sûrement vouloir venir, car c’est un peu son peuple ici. Je l’encouragerais et je suis même prêt à revenir avec lui. » 

Claudio Caçapa, Botafogo
© Iconsport

“Nous sommes bien des joueurs noirs”

Mais cet enthousiasme cache aussi un débat plus sombre que Vinicius Junior incarne régulièrement en Europe. Et Sonny Anderson n’a pas peur de l’aborder :

« Je trouve que Vinicus se bat trop seul sur le thème du racisme. Les instances devraient être beaucoup plus derrière. Car il y a de quoi être inquiet sur l’évolution, alors que nous sommes en 2025. Avant, ce sont surtout les Africains qui étaient victimes de racisme. Le Brésilien n’était pas forcément considéré comme un joueur noir, mais comme un ‘Brésilien'. C’est fini maintenant. Nous sommes bien des joueurs noirs. Nos origines sont ici, en Afrique. Et il est temps de régler le problème du racisme avec des sanctions sévères. Match perdu et basta ! ». 

Sonny Anderson, Brésil
© Iconsport

Au milieu de cette idylle Brésil-Cameroun, il fallait quand même aborder ce sujet fort qui fâche. Mais qui unit encore Brésiliens et Africains. D’autant que le porte-parole mondial des footballeurs pour ce combat est un Brésilien. Un Brésilien venu du Cameroun : Vinicius Junior !   

 

“Vinicius va sûrement vouloir venir…” Les Brésiliens à la découverte de leurs racines africaines

DOUCET PHILIPPE

Journaliste ayant débuté à "Golf Magazine" puis le quotidien sportif "Le Sport".
Avant de plonger dans la télévision et Canal+ en 1989.
Commentateur de football et tennis.
Mais aussi créateur de la "palette" et des statistiques sur les grands directs et la Ligue des Champions.
Son engagement dans le sport africain remonte à la CAN 1992 et à toutes les CAN suivantes qu'il a suivi pour Canal+ Afrique.
Chroniqueur sur RFI dans "Radio Foot International".