Dans cet entretien exclusif accordé à Afrik-Foot, le président de la Fédération sénégalaise de football (FSF), Augustin Senghor, nous révèle que le processus de recrutement du successeur d'Aliou Cissé n’a même pas démarré et qu’il prendra du temps. Pape Thiaw peut d’ores et déjà préparer les échéances de novembre. Les éternels pressés vont être déçus…
Ce jeudi 17 octobre, le président de la Fédération Sénégalaise de Football était invité à une conférence sur « Comment manager la crise » ! Un thème plutôt bien choisi par les organisateurs, l’école de Management Montpellier Business School, alors même que Augustin Senghor sort d’un épisode douloureux avec le départ d’Aliou Cissé après près de 10 ans au poste de sélectionneur.
Au côté d’un Emerse Faé qui pouvait aussi parler de la crise qui précède de peu le triomphe en Côte d’Ivoire, le président de la FSF ne s’est pas défilé lors de cette conférence. Et encore moins ensuite à notre micro. Il a même prolongé le plaisir en éclairant pour nous le futur choix du sélectionneur…
Vous avez choisi un intérim avec Pape Thiaw pour succéder à Aliou Cissé. C’est un signe de fidélité et de continuité ?
Nous sommes convaincus que ce qui a fait le succès du Sénégal, est un travail de longue haleine. Nous étions face à une situation inhabituelle, exceptionnelle. Puisqu’après avoir décidé sa liste, notre sélectionneur s’est vu notifier la non-approbation de son contrat par l’Etat. Il fallait réagir très vite. Et aller vers notre objectif immédiat : la qualification pour la CAN 2025 !
Pour faire vite, donner notre confiance au staff d’Aliou semblait une évidence. Il a travaillé sur les matches précédents, participé à la confection de la liste, connait le groupe et possède des affinités avec les joueurs. C’était la décision la plus sage et nous en avons fait une priorité. Il n’y avait pas urgence à aller chercher un autre entraîneur. Mais plutôt gérer dans l’immédiat ces deux matches et on ne pouvait le faire qu’avec ce staff conduit par Pape Thiaw. Il manquait un élément clé, Aliou, mais pour le reste, rien n’a bougé. Surtout, nous étions en mission pour satisfaire l’objectif d’Aliou qui était de se qualifier dès le quatrième match !
Avec ces deux succès, Pape Thiaw a-t-il une chance de rester en place ?
En fait, nous n’avons pas encore planché sur le choix du sélectionneur, sur le profil ou les critères qui vont gouverner la nomination de l’entraîneur. Pape fait en tout cas partie de ces entraîneurs sénégalais qui s’est fait une place parmi les meilleurs. Notamment en gagnant le CHAN. Il a donc toutes ses chances auprès d’autres coaches sénégalais qui ont de la valeur.
“Aucune chance pour les coachs étrangers”
Aucune chance pour les étrangers ?
Non, du tout. Certes, nous avons déjà dit que notre logique est de promouvoir l’expertise locale. Et le Ministère est dans cette même ligne. Nous ne bougeons pas de cela. Mais nous ne sommes pas fermés à l’expertise extérieure. Mais, en remportant tous les trophées africains depuis la CAN, le Sénégal a montré qu’il avait de bons coaches locaux. Dont Pape Thiaw qui est bon soldat !
Si c’est bien la Fédération qui a nommé l’entraîneur intérimaire. Etes-vous certain que l’Etat n’interviendra pas à nouveau pour la nomination du sélectionneur … ?
Auriez-vous plus d’informations que moi ? Mais, en tout cas, on ne m’a pas notifié cela. Vous savez, c’est le fait du prince ! L’Etat intervient dans le processus contractuel avec le coach de l’équipe national A, seulement. Dont il prend en charge le salaire, qui est plutôt conséquent. Il est donc important d’avoir l’approbation de l’Etat dans notre choix.
N'est-ce pas un mauvais signal quand une Fédération comme le Sénégal accepte tout de l’Etat sous prétexte qu’il paie le salaire de l’entraîneur ? Avec les résultats obtenus, et les deux Coupes du monde consécutives, la FSF n’a donc pas les moyens de son indépendance ?
Ne croyez pas cela. Notre Fédération n’a pas de moyens assez conséquents. L’Etat n’aide que l’équipe A, nous devons financer toutes les autres équipes et les épreuves que nous organisons comme la qualification U17 UFOA A en ce moment. Et n’oubliez pas que nous sommes délégataires du pouvoir de l’Etat. C’est lui qui nous donne le pouvoir de travailler au développement du football. Nous avons besoin de travailler en bonne intelligence et en collaboration. C’est ce que nous avons toujours fait.
Tant que les relations entre l’Etat et la Fédération ont été heurtées, nous n’avons jamais su faire bloc ensemble et le Sénégal ne gagnait rien ! Depuis que nous avons su régler la mire avec l’Etat, non seulement le football sénégalais a progressé de façon fulgurante à tous les niveaux, mais nous avons eu la consécration avec la victoire à la CAN !
Rien de changé avec le nouveau pouvoir ?
Un nouveau gouvernement est arrivé. Beaucoup ont voulu dire qu’il y aurait des tensions. Mais nous, nous sommes toujours dans une logique d’apaisement, de recherche d’un environnement apaisé propice à de bons résultats. Or, le nouveau gouvernement nous accompagne toujours dans le même esprit.
Ainsi, outre le salaire du sélectionneur, il y a la logistique. Nous arrivons du Malawi et l’Etat a assumé un vol spécial qui nous a permis d’arriver avant même les Malawites. Mais aussi de repartir très vite pour ramener les joueurs à Dakar pour qu’ils puissent rentrer plus vite dans leurs clubs et permettre de maintenir une bonne relation avec leurs employeurs. Sans l’Etat, cela aurait été plus compliqué. Et c’est dans cet esprit que nous gérons notre relation avec la tutelle.
“Nous devons prendre le temps pour faire le bon choix “
Ce qui vous a aussi permis de faire tomber la pression, c’est la qualification pour la CAN…
Oui, on reste dans notre tradition Puisque, depuis l’arrivée d’Aliou Cissé en 2015, nous avons presque toujours été qualifiés avant le terme des qualifications. Et même souvent deux journées avant la fin. Nos stats en qualification sont quand même assez extraordinaires et il faut s’en féliciter. Même en perdant notre coach dix jours avant les matchs contre le Malawi, nous avons poursuivi sur la même ligne. Le travail d’Aliou nous a permis de garder cette solidité et résilience. Avec le staff d’Aliou, nous avons fait du Aliou sans Aliou…
Ses collaborateurs sont restés sur les mêmes bases solides, tout simplement. Bravo au staff avec Pape Thiaw et Teddy Pellerin. Mais aussi aux joueurs car ils ont contribué à garder une certaine sérénité et à aider le staff en place. Il le fallait car si le résultat n’avait pas été le même à Lilongwe, cela aurait pu être plus tendu d’ici les matches de novembre…
Revenons au choix du futur entraîneur et au process qui sera utilisé…
Déjà, nous sommes qualifiés pour la CAN et nous avons évité cette urgence. Nous devons donc prendre le temps pour faire le bon choix sans se précipiter. On convoquera une réunion du Comité Exécutif de la FSF pour définir les critères de référence pour ce choix. Nous avons nos habitudes. On définira les critères et on mettra sans doute en place une commission ad hoc qui va consulter les candidatures. Cette commission va faire un tri. C’est le plus simple pour nous.
“Cela ne vaut pas la peine de lancer un appel à candidatures”
Pas d’appel à candidatures ?
Non, cela ne vaut pas la peine de lancer un appel à candidatures international. Ça n'a aucun intérêt d’avoir 100 ou 200 candidats. Il vaut mieux plutôt se concentrer sur quelques candidatures de haut niveau. Nous sommes une Fédération rompue à la tâche, qui gère de manière stable son équipe nationale.
Tant côté gouvernement, que dans vos mots sur l’expertise sénégalaise, on a l’impression que le choix se portera forcément sur un local ?
Il est vrai que c’est une tendance forte et elle a été très bien incarnée par Aliou Cissé. Mais il faut s’entendre sur les mots. Habib Beye, Omar Daf sont Sénégalais. Mais est-ce que Hervé Renard, qui habite au Sénégal, est si étranger que cela ? Encore une fois, ce seront des éléments que nous aborderons lors du Comité Exécutif.
Le Sénégal est aussi une sélection où il y a de grands joueurs. Auront-ils leur mot à dire ?
Nous avons une équipe constellée de joueurs de qualité, mais aussi d’expérience. Et ils nous aident d’ailleurs parfois dans nos choix… On l’a vu avec cet épisode récent. Ils auraient pu ne pas comprendre ce qui se passait ou le prendre mal. Au contraire, ils ont été d’un grand apport dans ce moment difficile. En tout cas, ils sont avec nous sur l’idée que le Sénégal doit continuer d’avancer et de rester une locomotive du football africain. Notre dynamique reste active et le Sénégal est toujours là.