“C’est un pari stratégique”, pourquoi le FC Barcelone raffole soudainement des jeunes pépites africaines

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Mercredi, le FC Barcelone a officiellement présenté sa nouvelle pépite malienne, Ibrahim Diarra. Alors qu’il n’était pas réputé pour son ancrage en Afrique, le club catalan multiplie désormais les partenariats avec des académies locales et intensifie son investissement dans la détection et le recrutement des jeunes talents du continent. Décryptage d’une démarche ambitieuse aux premiers résultats prometteurs.

Par Mamadou Oury Diallo,

La vidéo apparaît, à première vue, quelque peu surprenante. D’abord par la forme, puisque le président du FC Barcelone, Joan Laporta s’y exprime dans un français impeccable, puis surtout par le fond : le dirigeant catalan affirme sa grande satisfaction pour l’officialisation d’un partenariat pour cinq ans avec trois académies de football basées en Afrique. Il s’agit de Be Sport Academy (Sénégal), Africa Foot (Mali) et Ivoire Académie (Côte d’Ivoire). 

L’annonce, intervenue en octobre dernier, appuie l’idée d’une nouvelle stratégie que déploie désormais le géant du football espagnol sur le continent. L’objectif est clair : profiter du réservoir de talent que recèle cette zone subsaharienne, dans laquelle opère déjà depuis quelques années plusieurs clubs français et belges. 

« C’est un pari stratégique », explique à Afrik-Foot Sergi de Juan, journaliste au quotidien sportif espagnol AS et suiveur régulier des Blaugranas. « Le talent est partout, et le FC Barcelone ne peut pas se permettre d’ignorer un marché aussi grand et plein de potentiel que l’Afrique ». 

Détection précoce

Longtemps peu actif sur le continent, avec une présence relativement confidentielle et un regard essentiellement tourné vers les compétitions de catégories jeunes (CAN et Coupe du monde), le club catalan a changé son fusil d’épaule. Le « marché inflationniste » de l’Amérique du Sud, où les sommes déboursées pour de jeunes promesses atteignent des sommets, a incité le quintuple champion d’Europe, confronté à une situation financière difficile, à explorer des alternatives plus abordables.

« Le marché africain n’est pas très coûteux, et on peut y investir sans besoin d’un grand capital », souligne Sergi de Juan. Un exemple l’illustre parfaitement : celui de Mikayil Faye. Le jeune défenseur sénégalais, déjà repéré par le club depuis l’époque où il était à Diambars, a été recruté en 2023 en provenance de la Croatie pour seulement 1,5 million d’euros. Avant d’être revendu cet été au Stade Rennais pour 10,3 millions d’euros. 

Une opération économiquement rentable qui renseigne aisément sur le modèle adopté par le FC Barcelone : une détection précoce, un encadrement adapté et un potentiel de revente attractif dans le cas où le joueur ne parvient pas à intégrer l’équipe première.

« Le modèle de trading est au cœur de leur stratégie. Ils veulent détecter les talents avant tout le monde et finaliser leur formation à La Masia (le centre de formation du FC Barcelone, ndlr) ou en équipe réserve », analyse Nabil Talmoudi, un scout reconnu sur le marché africain, ayant notamment collaboré avec l’Olympique de Marseille et le RC Lens.

Département de scouting dédié à l’Afrique

Derrière cette ambition, on retrouve des figures clés comme Paulo Araujo, directeur du département de recrutement du club catalan, mais surtout Moussa Koné. D’origine malienne, ce dernier est le véritable homme-orchestre de la stratégie des Blaugranas sur le continent. Ancien joueur et entraîneur à l’Atlétic Sant Just, un petit club catalan partenaire du FC Barcelone, il dirige depuis deux ans le département de scouting en Afrique, un poste spécialement créé pour lui.

Grâce à son vaste réseau de contacts et sa connaissance approfondie du marché africain, renforcée par ses déplacements réguliers sur le continent, Koné a permis au club de nouer des partenariats avec des structures locales, choisies pour leur potentiel et leurs méthodes de travail, rigoureusement évaluées en amont.

Concrètement, la collaboration repose sur des échanges constants entre les deux parties, qu’il s’agisse de l’application de nouvelles méthodes d’entraînement, de stages organisés pour les jeunes joueurs ou de visites régulières de recruteurs catalans.

« Une rotation est mise en place, permettant à certains jeunes de participer à des stages de deux semaines à La Masia. C’est une expérience unique pour nos garçons », se réjouit Thierno Barry, directeur sportif d’Africa Foot.

Accord prioritaire

La célèbre pépinière des Blaugranas a ainsi accueilli en novembre dernier trois prospects africains pour des essais : les deux internationaux U-17 sénégalais Mouhamed Dabo et El Hadj Malick Cissé, et le jeune malien Arouna Traoré (18 ans). Ces observations n’ont toutefois pas encore débouché sur des signatures officielles.

« Leur stratégie ne repose pas sur le recrutement massif, mais sur l’identification et la signature du joueur qu’ils considèrent comme LE meilleur, reprend Nabil Talmoudi. Par exemple, à Africa Foot, ils ont signé celui qu’ils jugent être le talent le plus prometteur ».

Ce talent, c’est Ibrahim Diarra, révélé lors de la Coupe du monde U-17 avec le Mali, qu’il a conduit à la troisième place grâce à des performances éclatantes (5 buts et 4 passes décisives). Repéré par plusieurs grands clubs après ce tournoi, l’ailier, alliant puissance et finesse technique, a naturellement rejoint le FC Barcelone, qui avait finalisé son recrutement bien avant l’événement, grâce à un accord prioritaire avec l’académie malienne. Il a été officiellement présenté mercredi.

« Il y a une priorité, mais pas d’exclusivité, précise Thierno Barry. Nous restons ouverts, bien au contraire. C’est un partenariat réfléchi, avec une compréhension mutuelle : nous savons que tous nos garçons ne rejoindront pas le Barça. »

Cette flexibilité se reflète aussi dans la stratégie des Blaugranas, qui ne se cantonnent pas à leurs académies partenaires. Le club s’intéresse de près au Ghana, où il a repéré, lors du dernier mercato estival, deux jeunes talents prometteurs : David Oduro (18 ans, arrière gauche) et Abdul Aziz Issah (18 ans, milieu offensif), recrutés respectivement auprès des Accra Lions et de Dreams FC, deux clubs de l’élite locale.

Dans le même élan, le Nigeria attire également l’attention du club, notamment à Lagos, où l’Ikorodu City Lagos Cup, disputée en 2023 sous le regard des scouts du Barça, a mis en lumière plusieurs clubs et centres de formation. L’Afrique du Sud figure également sur leur radar, avec des rumeurs évoquant l’arrivée de la jeune pépite des Orlando Pirates, Relebohile Mofokeng. Un véritable maillage global qui vise à ne laisser échapper aucune future superstar du football africain, voire mondial.

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Mamadou Oury Diallo