Alors qu’il aurait dû se dérouler en 2024, toujours aucune nouvelle du CHAN. A l’heure où son créateur Issa Hayatou vient de disparaître, on craint ainsi le pire pour le championnat d’Afrique des locaux. Et pourtant, il est plus indispensable que jamais au football africain !
Depuis le départ d’Issa Hayatou de la tête de la CAF en 2017, la question est régulièrement posée : le CHAN lui survivra-t-il ? Car la compétition, la seule originale du calendrier africain, est en effet discutée en tout. Sa spécificité dérange visiblement. En ce que l’Afrique est la seule à organiser une telle compétition, limitée aux joueurs évoluant dans leur pays.
Pourtant, la création du CHAN résulte de l’observation que la CAN rassemble aux deux tiers des joueurs évoluant hors du continent. Et qu’il s’agit aussi de valoriser les championnats locaux et offrir aux joueurs locaux une fenêtre internationale inespérée. En ce sens, le dernier CHAN en Algérie en février 2023 avait plutôt valorisé le concept. Avec une finale Algérie-Sénégal très attractive.
La démonstration était encore une fois faite : le CHAN tient une place essentielle dans le paysage du football africain. Alors pourquoi aucune nouvelle du CHAN 2024 ? Pourquoi juste une communication de la fédération ougandaise datant de mars laissant penser que la CAF attribuerait le prochain CHAN aux trois pays (Kenya, Ouganda, Tanzanie) ayant battu le Sénégal pour l’organisation de la CAN 2027 ? Et surtout pourquoi rien depuis, alors même que l’on sait que des visites de préparation ont été organisées dans les trois pays ?
L’attitude la CAF actuelle vis-à-vis du CHAN tranche carrément avec les temps anciens. Pour valoriser cette nouvelle compétition (née en 2009), la CAF était d’ailleurs allée loin, accordant des points au classement FIFA à des équipes évoluant pourtant sans les meilleurs joueurs du pays.
Un CHAN valorisant pour le football local
Du coup, il faut ici mettre en avant les vertus du CHAN. Un tournoi qui a trouvé un public qui prend très au sérieux son équipe nationale A’ qu’il encourage comme si c’était les A. Ce, d’autant plus que le CHAN permet de qualifier des pays différents de la CAN. D’abord grâce à une qualification plus régionale permettant de mieux représenter géographiquement le continent.
De plus, ce concept permet une valorisation du travail en local, ce qui laisse leur chance à des pays plus modestes et moins peuplés. Le meilleur exemple est probablement la Mauritanie. Profitant d’un bon travail fédéral au niveau local, les Mourabitounes ont commencé par se qualifier au CHAN. Avant que celui-ci ne donne de l’élan et des pistes de progrès pour monter jusqu’à la CAN.
Côté joueurs aussi, le CHAN est un encouragement fort. De jeunes joueurs peuvent faire leurs preuves sous un maillot à forte pression et accéder plus vite à l’équipe A. Comme le Sénégalais Lamine Camara qui a enchaîné CHAN et CAN en 2023. Et des plus anciens peuvent surprendre comme le Marocain Ayoub El Kaabi, meilleur buteur de l’édition 2018 à 25 ans. Et qui a gagné là une place en Coupe du monde quelques mois après. Plus simplement, d’autres joueurs plus ordinaires ont pu s’offrir un moment de bonheur et de gloire en représentant leur pays lors de ce tournoi si original.
Au crédit du CHAN, il y a aussi la possibilité d’organiser offerte à des pays qui ne verront plus jamais la CAN à 24 et à six stades sur leur territoire. Voire des pays en test avant d’organiser la CAN. L’Algérie, dernier organisateur, songeait ainsi alors à la CAN 2025. Avant que le Maroc ne se pointe sur sa route…
Le CHAN en danger !
Mais, en face de ces éléments positifs, la CAF nouvelle a montré beaucoup de rétention envers un CHAN marqué période Hayatou. Si l’équilibre du tournoi n’est pas désastreux, il n’offre pas de bénéfices malgré une organisation plutôt lourde. De plus, il est si spécifique qu’il est difficile à « vendre » à l’étranger. Même les recruteurs la boudent, considérant que des joueurs de 25 ou 30 ans n’ont aucune chance de les intéresser. Déjà, la CAN U23, pourtant qualificative pour les J.O., ne trouve pas grâce à leurs yeux centrés sur les joueurs de la CAN U17, voire U20 à l’extrême limite…
Un grand Monsieur nous a quitté : l’ancien president #CAF Issa Hayatou qui avait conquis le respect du football africain, fait grandir #CAN et inventé #CHAN. Des années dorées. Le foot africain lui doit beaucoup. Respect. ⤵️ dans @RFIRadioFoot pic.twitter.com/NfFP9KZd9g
— Annie Gasnier (@Annie_Gasnier) August 8, 2024
Pour toutes ces raisons, la CAF s’interroge régulièrement sur cette compétition singulière que ni l’Asie, ni les Amériques n’ont adoptée. Et encore moins l’Europe où elle ressemblerait beaucoup trop à l’Euro… Déjà en mal de trouver des dates judicieuses pour toutes ses épreuves, on savait la CAF prompte à dénigrer ce CHAN, voire à l’évincer de son calendrier.
Or, la voilà qui traîne justement pour fixer le prochain CHAN, ou même simplement ses qualifications, après celui de début 2023 en Algérie. De quoi penser que sa fin est proche ? Ou, qu’en tout cas, la prochaine édition n’est pas pour demain ?
Car il faudrait aussi trouver de la place pour les qualifications et le tournoi final qui ne sont inscrits nulle part dans le calendrier africain de la saison 2024/25. Pourtant, il n’y a pas encore matière à désespérer. On sait que la CAF n’a pas peur de bouleverser le calendrier africain au risque de déstabiliser les championnats locaux.
Il est aussi vrai que les qualifications pour le CHAN sont rapides, sans voyages importants et que, pour les grands pays, un seul tour aller-retour peut suffire… De sorte que si 2024 est plus que compromis, un CHAN en 2025 au Kenya, Ouganda et Tanzanie est une vraie possibilité.
Mobilisation pour le CHAN !
Voilà de quoi nourrir un optimisme modéré pour un retour du CHAN. On a tellement attendu que l’on rêve même que ce soit pour mieux rebondir. Avec un CHAN rénové et revalorisé. On pense évidemment à une décision toute simple qui a déjà été largement évoquée. Et qui est aussi dans les dossiers de la CAF. On parle bien sûr de la fameuse limite restrictive aux joueurs évoluant au pays. La faire sauter ferait un bien considérable au CHAN.
Pour un CHAN ouvert à tous les joueurs évoluant en Afrique !
Déjà, à l’origine du CHAN dans les années 2007, la question s’était posée. On rappelle ici que Japhet Ndoram, Tchadien privé de CAN par la faiblesse de son pays dans les années 80/90, avait évoqué une telle idée alors qu’il évoluait au Tonnerre de Yaoundé. Si Issa Hayatou avait bien repris l’idée plus de quinze ans plus tard, il y avait ajouté une volonté de valoriser les championnats locaux. Du coup, l’équivalent d’un Ndoram, évoluant en Afrique mais dans un pays étranger, n’a pu disputer le CHAN depuis sa création.
Plus d’un observateur a déjà regretté cet affaiblissement de la compétition. Pour un joueur de ce profil, se retrouver au chômage le temps de cette compétition, alors même que toute l’Afrique fête ses joueurs restés sur le continent, relève du supplice chinois !
Ce serait un véritable enrichissement pour la compétition. Surtout à l’heure où même des joueurs sénégalais, camerounais ou ivoiriens évoluent désormais au Maroc, en Egypte, en RDC, en Tanzanie ou au Rwanda, à la recherche d’une rémunération plus importante que dans leur pays.
Alors pourquoi la CAF serait en accord avec notre manifeste en faveur du CHAN ? Et bien tout simplement parce que son football de clubs est en crise. On sait que les compétitions continentales n’attirent pas les clubs. Certains s’arrangent même parfois pour ne pas s’y qualifier et engager des dépenses excessives.
Même pour les gros clubs africains, les revenus des coupes continentales (Ligue des Champions, Coupe de la Confédération) sont insuffisantes. Et inférieures à celle de la Coupe Arable, pour prendre l’exemple des grands clubs du nord.
Parallèlement, le projet Super Ligue est en panne. Après un premier essai bien maigre (8 équipes, tournoi en élimination directe), la CAF n’a toujours pas convaincu les sponsors et TV, au point de proposer le même format cette année avec des revenus toujours modestes…
Les derniers JO de Paris 2024 fournissent aussi leur argument en ayant valorisé deux pays aux championnats forts. Logique puisque cela concernait majoritairement des joueurs U23. En réalité, le Maroc était, même sous ce format U23, déjà très international. Mais l’Egypte, elle, disposait d’une ossature évoluant au pays. Une autre raison d’organiser vite un CHAN pour offrir une visibilité nécessaire aux championnats locaux.
Dernier argument à saisir : les débats intenses sur une CAN tous les quatre ans. Ils peuvent servir au maintien du CHAN. En effet, si la CAF cède encore aux desideratas de la FIFA sur ce point fondamental, le CHAN deviendrait alors une épreuve intermédiaire plus cotée en attendant la vraie CAN…
Attention, ne crions pas victoire tout de suite. Le CHAN n’est pas encore sauvé et la CAF peut encore nous décevoir. Déjà, ces suspenses permanents sur le calendrier africain abîment les compétitions. Mais militons et croyons au renouveau du CHAN dans un environnement où l’Afrique a forcément besoin de défendre ses spécificités. Le CHAN en est une. A la CAF de saisir la belle opportunité…