Ce 19 février, la Fédération Sénégalaise de Football (FSF) a reçu une violente secousse. Sous la forme d’un courrier de la Ministre de tutelle l’informant que les clubs sénégalais ne recevraient dorénavant plus aucune aide de l’Etat pour disputer les coupes d’Afrique des clubs. Consternation générale !
Décidément, la politique (et l’argent) s’invite partout en Afrique. Notamment dans le sport. Certes, le Sénégal semble encore à l’abri d’une suspension et d’une période de normalisation suite à une intervention trop directive de l’Etat dans les affaires du football. Mais voir, au contraire, l’Etat se retirer ne pourrait-il pas générer pire discrédit ?
Le courrier de la Ministre des Sports sénégalaise, Khady Diène Gaye, aurait des conséquences immédiates s’il venait à entériner l’arrêt de l’aide de l’Etat aux deux clubs sénégalais qui se qualifient en coupes d’Afrique (le champion et le vainqueur de la Coupe). L’Etat prenait, en effet traditionnellement en charge le remboursement des billets d’avion pour se déplacer à l’occasion des matches de coupe de la Confédération ou de Ligue des Champions.
Pourtant, l’ancienne inspectrice de la Jeunesse et des Sports avait plutôt une bonne cote auprès des dirigeants du football qui la connaissent depuis des années. Certes, l’épisode Pape Thiaw avait déjà révélé des failles dans l’envie de football du nouveau gouvernement. Le départ précipité d’Aliou Cissé à la fin de son contrat le 31 août dernier provenait déjà d’un courrier ministériel glaçant. Signifiant clairement que les salaires de 30 millions FCFA par mois (environ 40 millions d'euros) pour un coach fédéral, c’était fini !
Dix fois moins payé qu'Aliou Cissé !
Pape Thiaw avait alors été nommé par intérim à sa place. En attendant un appel d‘offres qui promettait en termes de noms : Hervé Renard, Habib Beye, Omar Daf et même Patrick Vieira. Mais les dés étaient largement pipés par la volonté de l’Etat de couper les frais. La nomination de l’ancien adjoint d’Aliou Cissé, Pape Thiaw, permettait de diviser le salaire du sélectionneur. A ce jour, celui qui a qualifié le Sénégal à la prochaine CAN, n’a d’ailleurs toujours pas obtenu son nouveau contrat pour être passé numéro 1. Il ne reçoit donc toujours que son salaire de 3 millions FCFA par mois (environ 4 500€) ! Soit le dixième de celui de son prédécesseur…

On aurait donc dû flairer le coup médiatique à venir côté ministère. Pourtant, tout le football sénégalais a été sidéré par la brutalité de la lettre. Informé, un Président de Ligue 1 a vite réagi. « Déjà, on ne se battait pas forcément pour prendre une place continentale, car on y perd de l’argent sans grande chance d’aller bien loin. Mais, sans les billets d’avion, ce n’est même pas la peine d’envisager jouer une Coupe continentale. Je refuserais d’office une place en Coupe d’Afrique. »
Vers un forfait des clubs sénégalais en compétitions interclubs ?
Les clubs sénégalais pourraient-ils faire forfait pour les prochaines éditions de Ligue des Champions et de la Coupe de la Confédération ? Il y a trois ans déjà, Teungueth FC avait déclaré forfait pour les compétitions interclubs de la CAF, estimant que les conditions financières n'étaient pas réunies pour envisager de jouer ces tournois. Nul doute qu’à son retour de Praia (du Cap Vert, réunion UFOA A oblige), le Président de la FSF, Augustin Senghor aura fort à faire pour convaincre l’Etat de revenir sur cette mesure emplie de démagogie. Ce, d’autant que, par un malheureux hasard, son club de l’US Gorée est précisément en tête de la Ligue 1 sénégalaise ! En somme, Maître Senghor pourrait se retrouver à plaider la participation de… son propre club en Ligue des Champions !
A l’heure où son principal rival, le Jaraaf, vient pourtant de réussir un rare parcours intéressant en phase de groupes de la Coupe de la Confédération où le club dakarois a frôlé la qualification aux dépens de l’ASEC. Mais ce coup d’éclat a replacé le Sénégal à une modeste 17e place CAF au classement des clubs. Ce qui permet de mesurer le grand écart entre les classements clubs et sélections nationales au sein de la CAF.
Malgré tout, si l’Etat ne recule pas, voir le Sénégal, deuxième nation africaine au classement FIFA pour les sélections nationales, faire forfait ferait bien mauvais genre. Bien sûr, la FSF pourrait toujours présenter deux autres clubs, non qualifiés mais acceptant ces conditions au pain sec. Un nouvel épisode qui pourrait accélérer une nouvelle réforme de coupes d’Afrique décidément au point mort !