Ancien taulier de la sélection de RD Congo (35 capes, 6 buts), Neeskens Kebano n’a plus été appelé par le sélectionneur, Sébastien Desabre, depuis septembre 2022. Depuis peu joueur du Qadsia SC au Koweït, l’ailier de 33 ans ne se fait pas d’illusions quant à un possible retour chez les Léopards, comme il l’a expliqué dans cet entretien exclusif accordé à Afrik-Foot.
Entretien réalisé par A.P.
Neeskens Kebano, comment se passent vos premiers pas au Qadsia SC ?
Ça va, ça se passe plutôt bien, je m’adapte. J’ai signé il y a deux-trois semaines à Qadsia. Je n’ai pas fait la préparation estivale, donc il faut que je me remette bien en forme avant de pouvoir commencer véritablement, même si j’ai déjà eu droit à quelques entrées en jeu. Je vais profiter de cette trêve internationale pour bien me retaper physiquement et bien repartir.
Ça ne fait qu’un petit mois mais comment se passe la vie au Koweït ?
Je suis dans l’un des plus grands clubs du Koweït, je pense que c’est le plus populaire parce qu’il y a vraiment énormément de supporters, au stade, en ville aussi. C’est différent des Émirats sur ce plan-là. Le niveau est correct, même si ça dépend des équipes. C’est assez homogène, un peu comme les Émirats, même s’il y a des meilleures équipes là-bas. Il y a dix équipes dans le championnat ici. Il y a Victor Lekhal, ancien du Havre, avec moi, c’est mon collègue de tous les jours.
“Pendant le mercato, j'ai eu quelques discussions en Arabie Saoudite, en France aussi”
Comment s’est présentée cette opportunité ? Pourquoi ce choix ?
J’ai eu quelques sollicitations, notamment de la Grèce, des Émirats Arabes Unis. Quelques discussions en Arabie Saoudite, en France aussi ! Mais j’avais un idéal et je voulais rester dans le Moyen-Orient avant tout, donc c’est ce qui a fait que j’ai fait ce choix-là.
Quelles sont vos ambitions personnelles et collectives ?
On joue une Coupe Asiatique (la Gulf Club Champions League), on est en lice dans quatre compétitions différentes : le championnat, deux coupes et cette coupe asiatique.
Vous sortez de deux saisons pleines aux Émirats Arabes Unis avec Al-Jazira. Qu’en retenez-vous sur le plan sportif d’abord et mais aussi personnel ?
Une très belle expérience sérieusement. J’y ai fait de très bonnes rencontres. J’ai pu remporter un trophée en fin de saison dernière, en marquant en plus le but vainqueur en finale de la Coupe. Ils ont été contents de moi. Je n’en retiens que du positif.
Ça s’est fini parce qu’ils partaient sur un autre projet. Ils voulaient rajeunir l’effectif en ouvrant un autre cycle, avec d’autres joueurs d’expérience qui étaient déjà là, comme Nabil Fekir et Mohamed Elneny. Mais ça s’est vraiment fait dans le respect. Il y a eu quelques discussions et on a compris. Sans animosité, sans rancune.
Sur le terrain, vous avez pris du plaisir ?
Bien sûr, j’ai adoré. J’ai eu l’opportunité de jouer contre des anciens très grands joueurs comme Andrés Iniesta, Miralem Pjanic, Moussa Marega, Adel Taarabt, etc.
Parlons de la sélection, vous avez fait toutes les sélections de jeunes en France jusqu’aux Espoirs. Vous choisissez finalement de défendre les couleurs de la République Démocratique du Congo en 2014. Qu’est-ce que ça a représenté pour vous ?
Beaucoup de fierté. C’est le pays de mes parents, j’avais envie de leur faire honneur au plus haut point et je savais qu’en représentant la RD Congo, j’allais pouvoir y parvenir. En plus, ça s’est globalement bien passé, c’était très bien.
/https%3A%2F%2Fwww.afrik-foot.com%2Fapp%2Fuploads%2F2025%2F10%2FKebano-RDC-3-e1760015060647.jpg)
Première sélection, premier but, en déplacement en Côte d’Ivoire (4-3), contre Yaya Touré et de sacrés clients. Quels souvenirs et émotions en gardez-vous ?
C’était grave, quel match ! Ce match-là, il va rester dans la tête de beaucoup de gens. Si on ne gagnait pas, on ne faisait pas la CAN 2015. Tout le monde nous donnait perdant, mais on a réussi à avoir ce sursaut d’orgueil pour s’imposer. Sincèrement, c’était magique !
“Quand tu regardes le championnat congolais, avec tous les problèmes qu’il y a…”
Vous avez joué votre première CAN il y a 10 ans. La RDC avait terminé à la troisième place. Qu’en retenez-vous ?
À ce moment-là, je ne réalise pas tout de suite ce qu’on vient de faire. C’est quand je rentre au Congo et que je vois tout le peuple qui nous attend dans les rues, qui nous escorte. L’euphorie est générale. Quand on revient, on est des superstars. C’est là que je réalise qu’on a fait quelque chose de grand.
Dans cette CAN, je n’ai fait que deux matchs. En poules, j’étais blessé au genou. Le sélectionneur de l’époque (Florent Ibenge, ndlr) avait d’ailleurs eu des problèmes à cause de ça. Je lui étais redevable. Le quart de finale, c’est le premier match que je peux faire, je rentre et je mets un doublé de passes décisives. La demi-finale, contre la Côte d’Ivoire, je rentre encore. Mais j’ai une petite rechute au genou et je ne peux pas jouer le match pour la 3e place.
Pour votre deuxième CAN en 2017, au Gabon, vous inscrivez un but contre la Côte d’Ivoire encore en poules, puis il y a la défaite en quarts contre le Ghana des frères Ayew. Qu’en reste-t-il ?
On n’a pas fait un très très bon parcours. On a bien figuré en poules, mais le match contre le Ghana a été assez frustrant. On aurait pu éviter au moins un des buts qu’on a pris. Mais bon, on ne va pas refaire le match.
Vous avez connu Mpeko et Kidiaba en sélection, pourquoi la RDC peine autant à produire d’aussi bons talents locaux aujourd’hui ?
Quand tu regardes le championnat local, avec tous les problèmes qu’il y a, tu vas comprendre qu’il s’arrête souvent, pendant que les autres championnats continuent. C’est ce qui fait qu’il y a un manque de compétitivité à ce niveau-là et qu’il faut privilégier d’autres pistes pour fournir des joueurs à la sélection.
Le gouvernement congolais noue des contrats de sponsoring à coups de millions d’euros avec des tops clubs européens pendant que les sélections évoluent dans la précarité. Est-ce que cela vous choque ?
Je laisse le bénéfice du doute, on verra sur quoi tout ça débouchera. Mais au premier abord, pour moi, ça semble incompréhensible, il y a des priorités à respecter. Mais, comme je l’ai dit, je laisse le bénéfice du doute.
Dieumerci Mbokani, Gaël Kakuta, Yannick Bolasie, Cédric Bakambu… Qui vous a le plus impressionné ?
Il y en a un que j’ai beaucoup aimé et qui, à mon sens, était très sous-coté, c’était Cédrick Makiadi, qui a joué en Allemagne. Il était sous-coté.
“Est-ce que j’irai si Sébastien Desabre me sélectionne ? Ce n’est pas la question, il ne me sélectionnera pas”
Votre dernière sélection remonte à septembre 2022, avec le brassard, pour la première de Sébastien Desabre, actuel sélectionneur. Pourquoi est-ce que ça s’est arrêté là ? Avez-vous tiré un trait sur la sélection ou êtes-vous toujours candidat ?
Pour le moment, la question ne se pose même pas. Je pense qu’à partir du moment où tu n’es pas appelé depuis si longtemps, il faut peut-être se rendre à l’évidence aussi. Je n’attends pas la sélection. Les choix que j’ai faits n’étaient pas guidés par la sélection, sinon, j’aurais cherché à rester en Europe.
Dès que je me suis blessé au tendon d’Achille (novembre 2022), j’étais en discussions avec le coach. Je pense qu’il y a eu quelque chose à un moment donné qui a fait que le coach s’est dit qu’il n’allait plus m’appeler. Il y a une sélection en juin 2023 où il me convoque et je l’appelle pour lui dire que c’est sans doute mieux que je ne vienne pas parce que je viens juste de reprendre, que je n’ai pas encore toutes mes sensations et que ma situation en club n’est pas réglée comme je suis en fin de contrat à Fulham. Il essaie de me faire comprendre que ce serait bien que je vienne, pas forcément pour jouer, mais aussi pour la vie du groupe. Mais je reste sur ma position avec mes arguments et demande à rester. Il comprend.
Il m’envoyait toujours des messages jusqu’à la dernière CAN pour me dire que je n’étais pas sélectionné. Ce n’est pas à cause de mes choix de clubs, car il y avait un joueur qui évoluait aux Émirats dans le groupe récemment, dans un club moins huppé que le mien à l’époque. Est-ce que j’irai s’il me sélectionne ? Ce n’est pas la question, il ne me sélectionnera pas.
/https%3A%2F%2Fwww.afrik-foot.com%2Fapp%2Fuploads%2F2025%2F10%2FKebano-RDC-4-e1760015090523.jpg)
Comment avez-vous vécu la récente défaite contre le Sénégal ? Croyez-vous encore aux chances de qualification des Léopards pour le Mondial 2026 ?
Je parle avec tous les joueurs. Ils ont tous été touchés, c’est normal. Mais ils ont perdu une bataille, pas la guerre. Ils vont rebondir. Bien sûr que la qualification pour le Mondial est jouable. Ça va être plus compliqué, mais tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir.
Y a-t-il un joueur en particulier qui vous plaît, avec qui vous aimeriez jouer dans cette sélection ?
J’ai joué quasiment avec tout le monde, à part Simon Banza, qui vient de signer à Al-Jazira. Samuel Essende, je le connais du PSG. Cédric Bakambu, Yoane Wissa, Théo Bongonda, Meschak Elia, Samuel Moutoussamy j’ai joué avec eux ! Je dirais peut-être le petit Noah Sadiki. J’aime bien son activité, il me fait penser un peu à Nampalys Mendy.
Entretien réalisé par A.P.