À quelques jours du coup d’envoi de la CAN 2025 au Maroc, l’attention se porte naturellement sur les joueurs, mais les bancs de touche racontent eux aussi une histoire. Celle d’une Afrique du football qui continue de reprendre la main sur son destin technique. Sans révolution brutale, les chiffres confirment une tendance déjà observée lors des dernières éditions.
Une majorité africaine qui se stabilise
Sur les 24 sélections qualifiées pour la CAN 2025, 14 sont dirigées par des sélectionneurs africains, contre 10 confiées à des techniciens européens ou sud-américains. Un ratio strictement identique à celui de la CAN 2024 en Côte d’Ivoire. La progression n’est donc plus spectaculaire, mais elle s’inscrit dans la durée.
Pour mesurer le chemin parcouru, il faut remonter à 2017. Lors de la CAN au Gabon, seuls quatre sélectionneurs africains occupaient un banc, contre une large majorité d’Européens, auxquels s’ajoutaient un Argentin et un Israélien. En moins de dix ans, la tendance s’est totalement inversée. Depuis trois éditions consécutives, les techniciens africains sont majoritaires, ce qui n’a plus rien d’anecdotique.
Cette stabilité montre que l’on n’est plus dans un effet de mode. Les fédérations africaines ne recrutent plus local par défaut, mais par conviction.
Le signal Regragui et l’effet résultats
La bascule symbolique s’est opérée suite à la finale de la CAN 2019 remportée par l’Algérie de Djamel Belmadi face au Sénégal d’Aliou Cissé, qui sera sacré lors de l’édition suivante.
En parallèle, l’exemple de Walid Regragui, qui a mené le Maroc jusqu’en demi-finale de la Coupe du monde 2022 a marqué un tournant dans la perception des entraîneurs africains, y compris au plus haut niveau international. Regragui l’avait lui-même résumé par une phrase devenue référence : « le succès des entraîneurs locaux est la preuve que le football africain a mûri. »
Depuis, les résultats ont renforcé ce discours. Avec Emerse Faé et la Côte d’Ivoire en 2024, les trois dernières CAN ont été remportées par des sélectionneurs africains. Belmadi, Cissé, Emerse Faé… Trois binationaux formés majoritairement en Europe, trois profils différents, trois parcours distincts, mais un point commun : une connaissance des deux environnements !
3️⃣ days to #AFCON2025
— 49th. (@the49thstreet) December 18, 2025
The last three AFCON tournaments marked the first time three different local coaches clinched the title consecutively.
• Djamel Belmadi with Algeria (2019) 🇩🇿
• Aliou Cisse with Senegal (2021) 🇸🇳
• Emerse Fae with Côte d’Ivoire (2023) 🇨🇮 pic.twitter.com/hoD7wd4jzK
Davantage de techniciens formés au pays
La CAN 2025 marque toutefois un glissement intéressant. De plus en plus de sélections majeures font désormais le choix de techniciens non plus seulement nationaux mais aussi locaux, formés directement au pays, et pas seulement d’anciens internationaux passés par l’Europe.
Le Sénégal a confié son banc à Pape Thiaw, successeur d’Aliou Cissé et vainqueur du CHAN 2022 avec la sélection A’. Le Cameroun s’est tourné vers David Pagou après l’éviction de Marc Brys. La Tunisie continue de faire confiance à un entraîneur du cru avec Sami Trabelsi, fidèle à une stratégie déjà ancienne. Le Gabon avance avec Thierry Mouyouma, ancien international et pur produit local. En Zambie, Moses Sichone a remplacé Avram Grant, licencié quelques semaines avant la compétition.
Si ces choix relèvent parfois de reprise de contrôle politique sur les sélections nationales ou de maîtrise financière, Ils traduisent aussi une volonté générale de prendre en main la formation locale, à commencer par les techniciens.
Des Européens toujours présents, mais moins dominants
Une autre tendance intéressante est le recours à des sélectionneurs non-nationaux mais africains. Un cador comme le Nigeria n’a pas hésité à confier son banc à l’ex-international malien Eric Chelle. L’expérimenté ghanéen Kwesi Appiah mènera le Soudan, tandis que le Sud-Africain Morena Ramoreboli dirigera le Botswana.
Les sélectionneurs européens et sud-américains n’ont pas disparu pour autant. Ils restent dix sur vingt-quatre, avec une forte représentation belge et française, et des profils très expérimentés comme Gernot Rohr, Hugo Broos, Sébastien Desabre, Patrice Beaumelle ou Tom Saintfiet. Mais leur statut a changé. Ils ne sont plus la norme, plutôt l’exception stratégique.
Plus révélateur encore, plusieurs fédérations ont fait machine arrière à l’approche de la CAN, en remplaçant des techniciens étrangers par des entraîneurs locaux, signe que la confiance accordée aux « sorciers blancs » n’est plus automatique. Le cas inverse existe, comme en Tanzanie, avec le remplacement d’Hemed Suleiman par l’Argentin Miguel Gamondi, mais il demeure minoritaire.
Une évolution structurelle plus que symbolique
Au-delà des chiffres bruts, la CAN 2025 confirme une transformation de fond. La majorité des sélectionneurs africains sont d’anciens joueurs internationaux, souvent passés par l’Europe, mais de plus en plus formés, diplômés et reconnus sur le continent. Le banc de touche africain s’est professionnalisé.
À ce jeu-là, les chiffres de la CAN 2025 montrent que les fédérations font désormais davantage confiance aux compétences locales. Une tendance installée, assumée, et désormais durable.
Les 24 sélectionneurs de la CAN 2025

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