Cameroun : André Onana–Samuel Eto’o, chronique d’un divorce

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Entre l’un des plus grands gardiens africains de sa génération et l’un des plus grands joueurs de l’histoire du continent, le lien semblait naturel, presque écrit : André Onana, formé dans l’Académie de Samuel Eto’o, devait être le protégé du nouveau patron du football camerounais. Mais quatre ans plus tard, à l’heure où les Lions Indomptables entrent dans la CAN 2025 sans leur gardien, c’est un tout autre récit qui se dessine : celui d’un délitement progressif, d’un rapport de force et, finalement, d’une rupture devenue impossible à masquer.

Qui aurait pu prédire qu’André Onana serait écarté de la CAN 2025 à la surprise générale suite au limogeage du sélectionneur Marc Brys ? Voici comment on en est arrivé là…

Le début : une relation qui aurait dû durer…

À ses débuts, Onana est presque « le protégé » d’Eto’o. C’est au sein de l’académie du « 9 » qu’il se révèle au Cameroun, avant de rejoindre la Masia, partenaire du centre, avant de faire son trou à l’Ajax Amsterdam.

Avec l’intronisation de Samuel Eto’o comme président de la Fédération, tout aurait dû couler de source. Et ça avait pourtant bien commencé : déjà écarté pour indiscipline lors de la Coupe du monde 2022 par Rigobert Song, André Onana avait pu bénéficier de la médiation d’Eto’o, alors président fraîchement élu.

Mais les fissures vont bientôt apparaître : différences de caractère, divergences sur la discipline, et une relation où chacun, très vite, veut tenir son rang.

La CAN 2023 : le tournant d’un divorce pour Onana

L’épisode le plus commenté intervient un an plus tard, lors de la CAN 2023. Arrivé en retard après avoir joué avec Manchester United, Onana rate le premier match contre la Guinée. Ce qui lui vaut de nombreuses critiques au Cameroun. Titularisé contre le Sénégal, il est finalement renvoyé sur le banc au profit de Fabrice Ondoa pour la dernière rencontre de groupes face à la Gambie.

Selon plusieurs médias, une altercation verbale aurait suivi entre Onana et Eto’o.
Patrick Mboma dément. La polémique enfle. Onana rentre au pays, mais la relation, elle, ne s’en remet pas.

Le staff reproche alors à Onana de défier les consignes tactiques, notamment sur son jeu au pied. Et côté gardien, l’impression que les décisions ne relèvent plus uniquement du terrain, mais aussi du président.

Un an plus tard, Onana confiera à Canal+ :

« Beaucoup de choses se sont passées, mais c’est derrière nous. Le pays passe avant tout. Il a fait son temps, je fais le mien. Le football est générationnel. »

Une réponse diplomatique… mais lourde de sens.

L’intervention d’Eto’o : une pique à peine masquée

Retour en février 2024, après une CAN décevante (élimination en huitièmes de finale contre le Nigeria), Eto’o est interrogé sur Onana.
Il refuse de l’exposer publiquement, mais glisse plusieurs sous-entendus :

« Il ne s’agit pas d’Onana ou de Samuel Eto’o. Il s’agit d’une institution. Les joueurs ont des droits et des devoirs. »

Lorsque le journaliste insiste, Eto’o ferme la porte :

« Je ne viendrai pas exposer un de mes joueurs. Mais il faut savoir qu’il y a une institution au-dessus de tout le monde. »

Le natif de Ngol Ngok est donc directement dans le viseur, sans être directement nommé.

La famille répond aussitôt. Christian Onana, son frère, accuse :

« Onana a eu un problème avec une personne, et cette personne utilise la sélection pour régler ses comptes. »

L’affaire Brys : le dernier acte

Lorsque Marc Brys est imposé par le ministère des Sports et rejeté par Eto’o, Onana prend une position très remarquée.
Il est le premier joueur à souhaiter publiquement la bienvenue au nouveau sélectionneur :

« Bonne chance au coach et à tout son staff. Union et engagement. »

Un geste perçu comme une défiance directe envers la Fecafoot.
C’est probablement à ce moment que le divorce devient définitif.

Et ce week-end encore dans un direct sur Tik Tok, Onana a récidivé en insistant sur la hiérarchie :

« Nous avons un patron : le coach. Le coach a un patron : la Fédération. La Fédération a un patron : le ministère. Moi, je suis là pour jouer. Je ne prends pas position dans vos histoires. »

Un discours insupportable pour Eto’o, qui refuse l’ingérence de l’État dans le football, à travers le sélectionneur belge, qui lui est imposé.

Une rupture plus politique que sportive

Le Cameroun traverse, depuis trois ans, une crise structurelle : tensions entre Minsep et Fecafoot, polémiques permanentes, violences verbales, menaces de suspension par la FIFA, divisions entre anciennes gloires.
Dans ce chaos, les égos prennent le dessus, et c’est l’équipe nationale qui trinque.

Le résultat est implacable :

André Onana ne jouera pas la CAN 2025.

Une absence sportive, mais surtout politique.

Le divorce est consommé. Et pour le Cameroun, c’est une nouvelle preuve que le football, au-delà du talent, reste une affaire d’hommes, de pouvoir… et de fractures.

Cameroun : André Onana–Samuel Eto’o, chronique d’un divorce

Louis Mukoma Fargues