Burkina Faso : “ils m’ont pris pour un fou, mais on peut gagner la CAN”, prédit un ancien Etalon

Publié le par Yoro Mangara

L’ancien défenseur des Etalons, Madou Dossama, demi-finaliste de la CAN en 1998, a accordé une interview exclusive à Afrik-Foot.com au lendemain de la qualification du Burkina-Faso à la CAN 2025. Le Faso a validé son ticket à deux journées de la fin des éliminatoires en battant le Burundi à deux reprises (4-1, 2-0).

Entretien réalisé par Yoro Mangara

Le Burkina Faso, première nation africaine qualifiée à la CAN 2025, quelle est votre première réaction après cette performance ?

Fierté ! Je suis très fier de ce qu’ils ont accompli. J’ai appelé l’entraîneur pour le féliciter. Je lui ai dit qu’il est le premier sélectionneur local à avoir qualifié les Etalons à la CAN à deux journées de la fin des éliminatoires. Moi, je fais partie de l’équipe qualifiée à la CAN de 1996 avec Idrissa Traoré dit « Saboteur ». Hubert Vélud l’avait réussi, mais lui est étranger. C’est une fierté de voir une équipe technique locale faire ce qu’elle a fait. C’est une performance à saluer, surtout au vu de la situation politique du pays, c’est énorme.

Ils ont réussi à faire bouger le Sénégal grand favori du groupe à Dakar en arrachant le match nul (1-1 en septembre lors de la 1ère journée). C’est juste énorme ! Voir cette équipe au sommet du football africain après les problèmes notés pendant quatre ans avec la fédération, la situation actuelle du pays, je dis chapeau ! Pour être honnête avec vous, je suis agréablement surpris.

Ousmane Camara, Burkina Faso
© Iconsport

Que pouvez-vous nous dire du sélectionneur national, Brama Traoré, appelé affectueusement « Tonton Brahma » ?

Tonton Brahma, comme vous l’appelez, a été mon entraineur en 2004. C’est un grand frère. J’étais de l’aventure juste après la CAN de 2002, nous étions en train de préparer la CAN de 2004, et il était notre sélectionneur. Malheureusement pour moi, l’aventure n’est pas allée loin. J’étais blessé et j’ai dû céder ma place. J’étais en fin de carrière !

Brahma est appelé « Chercheur ». Il passe son temps à chercher la bonne formule. Il cherche toujours une nouvelle dynamique, nouvelle technique. Il a un management paternaliste, très protecteur mais très sévère quand il faut l’être. Il est très bien entouré aussi avec mes anciens coéquipiers Mohamed Kaboré comme entraîneur des gardiens avec qui j’ai fait la CAN de 2002 et Issa Balboré ancien international aussi. Il a démarré difficilement en écartant ses trois capitaines, Bertrand Traoré, Issifou Dayo et Hervé Koffi. Aujourd’hui, tout est entré dans l’ordre.

“L'équipe est meilleure avec le retour des cadres”

Comment voyez-vous justement ce retour des cadres (Koffi est revenu en septembre, Dayo et Traoré ce mois-ci) ?

C’est bénéfique. Ça cadre avec le nouveau discours des autorités qui veulent rassembler. Et, honnêtement, l’équipe est meilleure avec les cadres. Nous sommes plus forts. Il a voulu d’abord marquer son territoire et montrer que nul n’est indispensable.

Bertrand Traoré, Burkina Faso
© Iconsport

Est-ce que vous pouvez comparer cette équipe et celle de votre génération, celle de 1998 ?

Non pas du tout. Ce n’est pas le même style, pas le même gabarit. Nous avions une équipe très technique. Et le fait de jouer à domicile avait créé un engouement populaire avec Philipe Troussier qui était sur le banc. Nous n’avions pas gagné la CAN (l’Egypte, futur vainqueur, avait éliminé le Burkina Faso en demi-finale, ndlr) mais nous sommes restés dans le cœur des Burkinabè.

Le seul point noir de la qualification, c’est l’envahissement de terrain après le match, qu’en pensez-vous ?

Le football reste un sport vecteur d’émotions. La passion et la spontanéité vont de pair. Ce n’est pas nouveau, ce sont des réactions émotionnelles à déplorer. Il faut en amont prendre des dispositions qui permettent de gérer les foules. Nous avons tous eu peur pour l’intégrité des joueurs. C’est une attitude à condamner. C’est une leçon, il va falloir en tirer des enseignements.

Vous pensez que cette équipe du Burkina peut gagner la CAN ?

Bien sûr que oui. Elle a de la qualité. Je disais lors de la CAN sur une chaîne panafricaine sur le plateau en compagnie de Patrick Mboma et de Basile Boli que les Etalons peuvent remporter la Coupe, ils m’ont pris pour un fou. Je maintiens mes propos, l’équipe du Burkina a tout pour gagner la CAN. Nous étions en demi-finale perdue face au Sénégal en 2022. Nous sommes devenus une vraie équipe, une équipe soudée ou tout le monde tire dans le même sens, ce qui n’était pas le cas. Je ne vais me cacher et j’assume mes propos, nous pouvons gagner la CAN.

Burkina Faso, équipe sélection
© Iconsport

Vous parlez d’union sacrée autour de l’équipe, mais l’ancien sélectionneur Kamou Malo ne comprend toujours pas pourquoi il a été écarté, qu’allez vous faire avec ces frustrés ?

On ne peut pas gérer les frustrations de manière individuelle. C’est déjà bien qu’il ait sorti ce qu’il avait dans le cœur, c’est une sorte de thérapie. Maintenant, l’heure est au rassemblement et à l’union des forces comme le souhaite le président du Faso, le capitaine Ibrahima Traoré. Nous voulons une union sacrée autour de cette équipe. Si nous unis, nous irons loin.

“Jouer en Côte d’Ivoire nous réussit bien”

Vous venez de citer le capitaine Traoré, chef de l’Etat du Burkina, il avait accusé la Côte d’Ivoire d’héberger un centre d’opérations pour déstabiliser le Faso, et pourtant c’est à Abidjan que vous jouez vos matches car aucun stade de votre payé n’est homologué par la CAF. N’est-ce pas là un paradoxe ? 

(Rires) Vous avez une réponse à votre question. Le football unit les peuples. Le football rassemble, le football n’a rien à voir avec la politique. La preuve, nous accueillons nos adversaires en Côte d’Ivoire, et ça nous réussi bien.

Quel est votre plus grand moment avec cette sélection burkinabè ?

C’était en 1995, nous avions un match au stade Félix Houphouët Boigny face à la Côte d’Ivoire. Nous étions menés à la pause par deux à zéro, et un coéquipier prend un carton rouge. Notre sélection de l’époque, « Saboteur », prend la parole dans le vestiaire et nous rappelle, les valeurs du pays pour lequel nous jouons. Il nous dit que la Côte d'Ivoire est supérieure à nous, c’est vrai, mais nous devons faire honneur à la patrie, au peuple etc.

C’était un discours guerrier, nous avions tous versé des larmes. J’ai encore des frissons quand je m’en rappelle. Au retour des vestiaires, nous avons pu égaliser et avions failli remporter le match. C’est Sidi Napon et Seydou Traoré qui avaient marqué ce jour-là !

Madou Dossama

Madou Dossama

Burkina Faso : “ils m’ont pris pour un fou, mais on peut gagner la CAN”, prédit un ancien Etalon

Yoro Mangara

Journaliste, passionné de foot et grand défenseur du football africain.