Cameroun – Kameni : « ce n’est pas évident pour Onana » [Exclu]

Publié le par Yoro Mangara, actualisé le

Dans la seconde partie de l’entretien exclusif qu’il a accordé à Afrik-Foot.com, le gardien camerounais Idriss Carlos Kameni s’est prononcé sur la situation de son compatriote André Onana à Manchester United. A 39 ans, le portier d’Antequera (D3 – Espagne) s’est également confié avec passion sur ce poste si particulier de dernier rempart et sur le développement du football africain.

Entretien réalisé par Yoro Mangara,

Parlons d’André Onana. Comment voyez-vous la carrière de votre jeune frère, auteur de débuts compliqués à Manchester United ?

Ce sont des choses qui arrivent. Il faut se servir des mauvais moments pour en construire derrière de très bons. Vous ne pouvez pas avoir une carrière où tout est rose. À un moment donné, il faut toucher le fond pour savourer le devant de la scène. Aujourd’hui, ce n’est pas évident pour André. C’est une nouvelle équipe, un nouveau championnat. Il a été plébiscité la saison dernière et il était très attendu cette année. Ce n’est pas évident, il a besoin de trouver ses marques dans sa nouvelle équipe et connaître ses coéquipiers, c’est important pour lui. C’est un très bon gardien. Ses qualités ne sont pas remises en cause mais ça va tellement vite dans le football qu’on oublie vite ce que l’on a réalisé hier. Il faut toujours se remettre en question. D’ici peu, il retrouvera le niveau qui était le sien la saison dernière. Pour le moment, cela ne se passe pas très bien mais j’ai confiance en lui et je sais qu’il a les qualités pour s’imposer à Manchester.

Avez-vous été surpris de voir Onana absent de la liste des nommés pour le Ballon d’or africain ?

Honnêtement, non. On ne parle pas des 30 meilleurs gardiens africains mais plutôt des 30 meilleurs joueurs de l’année. Il y a énormément de très bons joueurs. C’est déjà une bonne nouvelle pour lui d’avoir été nommé pour le titre de meilleur gardien. Un grand coup de chapeau également à Yassine Bounou. Ils ont fait de très belles saisons et, se retrouver là, c’est déjà quelque chose de bien.

C’est quoi le secret du Cameroun pour sortir autant de grands gardiens de but : Kameni, Onana, Bell, Nkono…

Il n’y a pas vraiment d’explications parce qu’à la base il n’y a pas un centre technique de formation de gardiens de but au Cameroun. Il y a une époque aussi où le Sénégal avait dans ses rangs de bons gardiens. Je me souviens de Cheikh Seck avec qui j’échange souvent au téléphone. Par la suite, ils ont eu Tony Silva et aujourd’hui Édouard Mendy. Le Cameroun a eu la chance d’avoir Thomas Nkono et Antoine Bell. Par la suite, il y a eu Alioum Boukar, Jacques Songo et nous sommes venus derrière. Mais on n’a pas que de bons gardiens, on a aussi de très bons joueurs de champ. On peut retrouver de très bons gardiens un peu partout. J’échange avec beaucoup de personnes là-dessus comme Diafra Sakho (international sénégalais, ndlr) par exemple. Il faut créer des écoles de formation pour gardiens de but. Il n’y en a pas en Afrique alors qu’ici en Europe, on en a un peu partout. Il faut pérenniser cette chance parce qu’il serait dommage qu’on se retrouve demain sans relève.

« Derrière moi, il y a eu la possibilité de faire confiance à des gardiens noirs »

Justement avec Diafra Sakho vous avez été à Arta Solar 7 à Djibouti. Parlez-nous de cette expérience particulière…

C’était une riche expérience. Pas évidente lorsqu’on a connu le très haut niveau pendant 19 ans. Je tiens à saluer le travail abattu par Tommy Tayoro, le président d’Arta Solar. Il fait tout pour que son pays, Djibouti, soit connu en Afrique et dans le monde avec tout son investissement. Il fallait y aller, apporter notre expérience, vivre une aventure nouvelle. Ce qui a été enrichissant, parce que chaque jour on doit apprendre. On a beaucoup appris et on a rencontré des personnes qui, aujourd’hui, sont membres à part entière d’une famille. Je pense à Diafra Sakho. On a également beaucoup apporté à ce peuple.

Vous avez passé l’essentiel de votre carrière en Espagne. Vous avez été à Malaga, à l’Espanyol Barcelone. Au début des années 2000, vous étiez l’un des rares grands gardiens africains dans un grand championnat européen. Comment avez-vous vécu cela ?

À l’époque ce n’était pas un détail important à mes yeux. Médiatiquement, on n’en a pas fait des tonnes. Mon quotidien, c’était les entraînements et les matchs. Je pense qu’à l’époque il y avait un manque de confiance des clubs européens vis-à-vis des gardiens de but noirs. J’ai inspiré beaucoup de personnes. Derrière moi, il y a eu la possibilité de faire confiance à des gardiens noirs. Je me souviens qu’au Havre je n’ai pas eu ma chance et derrière, Steve Mandanda est arrivé. On a vu la grande carrière qu’il a faite. Pareil pour Brice Samba qui est aujourd’hui titulaire à Lens. André (Onana) à United. On espère davantage de gardiens noirs dans les championnats de premier niveau. On a aussi le Burkinabé Koffi à Charleroi.

Où en est votre projet de centre de formation de gardiens de but et avez-vous trouvé le pays dans lequel il sera implanté ?

Non, pas encore. Je travaille là-dessus. J’ai été dans plusieurs pays africains. On va voir ce qu’il y a lieu de faire. J’ai l’intention de me rendre au Sénégal, discuter avec Cheikh Seck (ancien gardien de but du Sénégal, ndlr) et voir ce qui peut être fait là-bas. On n’est pas obligé d’avoir un seul endroit fixe. On peut l’implanter dans beaucoup de pays.

« J’ai demandé à Eto’o de s’entourer des bonnes personnes »

Votre ancien coéquipier Samuel Eto’o est devenu président de la Fédération. Comment jugez-vous ses premiers pas à la tête de la FECAFOOT ?

Franchement, je vis la chose de loin. Quand je l’ai rencontré au mois de juillet dernier, je lui ai demandé comment il sentait cette nouvelle responsabilité. J’ai vu un garçon ambitieux, le même qu’il était sur le terrain. Quand vous avez de l’ambition, vous pouvez changer beaucoup de choses. Je lui avais demandé de s’entourer des bonnes personnes qui pourraient l’aider à avancer. On peut avoir de très belles idées mais si, autour de vous ça ne suit pas, tout est voué à l’échec.

Si aujourd’hui on vous proposait le poste d’entraîneur des gardiens de la sélection, allez-vous y réfléchir ?

J’y réfléchirai bien sûr. Parce que ma carrière tire vers la fin. Un jour ou l’autre il va falloir arrêter et passer à autre chose. Peut-être que je me verrais bien dans l’encadrement des gardiens de but. Peut-être aussi que j’aurai envie de faire autre chose. Il y a toujours matière à réfléchir.

Peut-on s’attendre à vous voir entraîneur d’un club de football ?

Pourquoi pas. Mais sincèrement je n'ai pas commencé à passer mes diplômes d’entraîneur. Je termine d’abord ma carrière et ensuite je verrais ce que j’ai vraiment envie de faire. Et je le ferai toujours avec la même passion que quand je joue. Le futur à moyen terme, on verra.

Qui est le meilleur joueur avec qui vous avez évolué en club ?

Non… Je ne peux dire qui a été le meilleur joueur avec qui j’ai joué. Ce serait un manque de respect envers tous mes autres coéquipiers parce qu’un footballeur ne peut pas jouer seul. Une équipe a besoin de toutes ses composantes. Mais… Quand je suis arrivé à Malaga, j’ai trouvé un garçon comme Santi Cazorla, bourré de talent. Ou un joueur comme Isco. Ce sont des talents qui ne courent pas les rues. À l’Espanyol j’avais Ivan De La Peña, des gens avec beaucoup de qualité.

Et en sélection…

En sélection, je vous dirais la même chose. Mais il faut reconnaître qu’il y a un qui sort du lot, C’est Samuel Eto’o. Je l’ai connu à sa plus belle époque, la période 2000 à 2008, où il était inarrêtable. Mais derrière, on avait des joueurs avec beaucoup de talent comme Patrick Mboma, Geremi Njitap… J’ai connu les Djemba-Djemba, Atouba, Makoun…

Cameroun – Kameni : « ce n’est pas évident pour Onana » [Exclu]
Yoro Mangara

Journaliste, passionné de foot et grand défenseur du football africain.