Virtuellement qualifié pour les barrages de la Coupe du monde 2026 en Zone Afrique, Madagascar va jouer son destin contre les Comores mercredi et le Mali (12 octobre) à l’occasion des deux dernières journées des éliminatoires. Avant ce double rendez-vous crucial, le sélectionneur des Barea, Corentin Martins, a accordé un entretien à Afrik-Foot. L’occasion de revenir sur la situation particulière au pays, le niveau du football malgache et le cas de plusieurs binationaux.
Corentin Martins, comment allez-vous ? L’actualité sportive est rattrapée par les récents événements qui secouent Madagascar, avec la mobilisation de la Génération Z. La situation n'est pas trop tendue de votre côté ?
Je viens de rentrer (interview réalisée le 2 octobre), j’étais 15 jours sur place. C'est vrai que c'était surtout le soir, avec le couvre-feu à partir de 19h, où c'était un peu plus problématique. Et puis le trafic aérien. Par exemple, j'ai pris mon avion une journée plus tard. Donc, oui, ça a un peu chamboulé l’organisation du rassemblement, la venue des joueurs locaux en Côte d’Ivoire, du staff local aussi.
Est-ce que c’est un sujet dont vous avez parlé avec les joueurs ?
Non, je n’en parle pas avec eux pour l’instant. C’est quelque chose qui regarde chacun individuellement.
Si on revient sur le plan purement sportif, il y a ces deux matchs décisifs contre les Comores et le Mali. Vous êtes 2es de votre groupe de qualification à la Coupe du monde 2026. Si vous prenez 6 points, il y a de fortes chances que vous soyez au minimum en barrages. Comment vous sentez votre équipe ?
On est bien placés en tout cas. C'est vrai qu'aujourd'hui, ce qu’on maîtrise, c’est cette 2e place parce que ça ne dépend que de nous. Mais, en face de nous, on a aussi deux adversaires de qualité, que ce soit les Comores et puis le Mali. Ça ne va pas être facile de garder cette deuxième place, mais, en tout cas, on va tout faire pour la conserver. En sachant qu’on va jouer le Mali chez eux et les Comores en Côte d'Ivoire. Ce sera deux matchs difficiles parce qu'il y a des joueurs de qualité en face.
Classement – Coupe du Monde – Qualification CAF Grp. I – 2023/2025 | |||||||||
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# | Équipe | Pts | J | G | N | D | Diff | BP | BC |
1
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19 | 8 | 6 | 1 | 1 | 11 | 17 | 6 |
2
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16 | 8 | 5 | 1 | 2 | 7 | 14 | 7 |
3
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15 | 8 | 5 | 0 | 3 | 1 | 11 | 10 |
4
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12 | 8 | 3 | 3 | 2 | 6 | 11 | 5 |
5
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5 | 8 | 1 | 2 | 5 | -9 | 8 | 17 |
6
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1 | 8 | 0 | 1 | 7 | -16 | 3 | 19 |
En parlant des Comores, justement, ce sera un derby de l'Océan Indien Comment l’abordez-vous ?
Je vais l'aborder de la même manière que les autres matchs. Aujourd'hui, c'est une place en Coupe du monde qui est en jeu, avec tout ce que ça comporte au niveau de la concentration, de la qualité, de la maîtrise de l'événement. Après, oui, ça reste un derby, mais c'est un derby surtout pour les supporters.
“Le CHAN a permis de montrer les qualités de Madagascar aux yeux de l’Afrique et du monde”
Si on parle de l’effectif, le mois dernier, vous avez appelé 6 joueurs qui ont été finalistes du CHAN. Vous les avez rappelés pour la plupart ce mois-ci. Quel est votre regard sur le vivier local de Madagascar, qui semble d’une certaine manière sous-estimé ?
Madagascar, même si c'est une île, c'est un très grand pays, avec quand même 32 millions d'habitants. Il y a une pratique du football, c'est une population très jeune. Les infrastructures sont en train de se développer un petit peu. A côté de ça, le championnat est d’un niveau vraiment correct. J'ai pu assister à plusieurs matchs, et, ce qui ressort, c'est beaucoup de qualité technique et puis de l'engagement. Et c'est vrai qu’ils ont vraiment fait un CHAN extraordinaire, ils ont pu montrer leurs qualités aux yeux de toute l’Afrique et du monde.
Malgré tout, on a l'impression que le joueur malgache formé localement s'exporte assez mal, que ce soit en Afrique ou en Europe. Est-ce que vous avez une explication ?
C’est sûr qu'aujourd'hui, on a encore trop peu de jeunes joueurs qui quittent Madagascar. Il y a un déficit au niveau de la formation, c'est sûr. À partir du moment où il n'y a pas de compétition pour les jeunes, on forme moins rapidement les joueurs. Il y a aussi moins d'académies privées et moins de partenariats avec des clubs que ce qui peut exister dans d'autres pays, que ce soit au Sénégal ou au Mali. Donc oui, de ce côté-là, Madagascar est en retard.
En parallèle justement, vous avez attiré de nouveaux binationaux comme Andy Pelmard, mais aussi des profils plus atypiques comme votre nouveau gardien titulaire Geordan Dupire que vous êtes aller chercher au Luxembourg. Comment se passe le scouting pour un pays comme Madagascar ?
C'est plusieurs personnes. Il y a des gens qui travaillent pour la fédération et qui sont à la recherche des binationaux. Ils prennent contact et après, je confirme ça avec eux.
Si on parle des cas individuels, les supporters parlent beaucoup de trois binationaux, Francis Coquelin (Nantes), Lilian Raolisoa (Angers) et Keyliane Abdallah (OM). Où en êtes vous avec eux ?
Francis Coquelin, je l'avais rencontré au mois de février dernier, après ma nomination. Il n'y a pas d'intérêt particulier de sa part. Donc voilà, c'est pour ça que je ne suis pas allé plus loin. Il faut qu'il y ait une volonté de part et d'autre. Et comme il n'y avait pas trop de volonté de sa part, ce n’est pas la peine d'insister.
Après, oui, il y a des jeunes joueurs comme celui de l'OM qu'on continue de suivre. Ce sont des jeunes qui arrivent dans l'effectif pro, donc il faut être patient. Et après, il y aussi Lilian Raolisoa, avec qui j’ai aussi parlé depuis février. On est en contact avec lui régulièrement. Il estime que ce n’est pas le bon moment pour l'instant de rejoindre la sélection, donc on ne peut rien y faire. Il faut être patient et qu'on garde le contact.
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Un autre cas plus compliqué, c’est celui de Ludovic Ajorque (Brest), qui avait déclaré il y a quelques années se sentir plus Réunionnais que Malgache. Est-ce que vous l’avez quand même approché ?
Oui, au moment de ma prise de fonction, en février aussi. Il m’a confirmé qu'il n'avait pas d'intérêt et qu'il ne souhaitait pas jouer pour Madagascar.
Des rumeurs indiquent que votre défenseur Morgan Jean-Pierre a été écarté de son club de Fleury à son retour en septembre parce qu'il s’est rendu en sélection. C’est vrai ?
Oui, c’est ce qu'il m'a dit. Voilà. C’est difficile à comprendre. Quand il y a des dates FIFA, la priorité revient aux fédérations et aux pays. Le fait qu'il ait été blessé, qu'il n'ait pas joué de match en championnat avec son club, et qu’il soit venu jouer avec nous en sélection, il a visiblement été sanctionné pour ça…
“Mon contrat se termine en janvier, on n'a pas encore discuté avec les dirigeants”
Si on revient sur votre cas personnel, est-ce que vous pouvez nous raconter votre quotidien en tant que sélectionneur de Madagascar ?
Mon quotidien, c'est d'être en contact régulier avec les joueurs, faire un point sur leur match du week-end. Puis après, c'est de préparer les échéances, les matchs à jouer, donc au niveau de la vidéo, de la supervision, voilà un peu comme on travaille.
Est-ce que vous supervisez les matchs des joueurs en Europe ?
Non, pas directement en déplacement. On le fait à travers une base de données, donc c'est plus de la vidéo.
Du point de vue contractuel, si vous réussissez à emmener l'équipe en barrages du Mondial, est-ce que vous considérez que votre objectif est accompli ?
Alors, ça dépend de quel point de vue on se situe. L’objectif reste la qualification à la Coupe du monde. On était troisième quand j'ai repris l'équipe, aujourd'hui on est deuxième. Si on va en barrages, pour moi… Certes, l'objectif ne serait pas atteint, car c’est la qualification à la Coupe du monde, mais après, il faut aussi avoir une part de réalité.
En face de nous, dans ce groupe-là, il y a quand même le Mali et le Ghana, qui sont deux pays d'Afrique qui fournissent beaucoup de grands clubs en Europe. On a un petit déficit de ce côté-là au niveau de la qualité individuelle qui n'est pas aussi importante qu'au Mali ou au Ghana. Mais évidemment, le football reste un jeu collectif et, justement, il faut s'appuyer sur le collectif et les qualités de solidarité de mon équipe. Et là pour l'instant, franchement, l'équipe répond présent.
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Et de votre côté, l’envie est présente pour continuer ? On sait qu’il y a eu quelques dysfonctionnements en termes d’organisation : vous n’avez toujours pas joué à domicile, faute de stade homologué, le rassemblement de juin a été compliqué…
Pour l'instant, mon contrat se termine fin janvier. On n'a pas du tout discuté de ce sujet avec les dirigeants, on est focalisés sur les deux derniers matchs de poules. On verra un peu plus tard.