Coupe du monde 2026 : le Cap-Vert à un pas de l’histoire, comment les Requins Bleus ont grandi

Publié le par

Peu l’auront vu venir. Moins de 15 ans après sa première CAN, le Cap-Vert pourrait bien découvrir la Coupe du monde pour la première fois de son histoire. Retour sur une ascension bien préparée… et pas si surprenante que ça.

Les « Caps » savent jouer au foot. N’importe qui qui grandit en France, aux Pays-Bas ou surtout au Portugal, le sait. Dans ces pays où la diaspora capverdienne est très présente, beaucoup font leur loi sur les city-stades, dans ce style technique qui fait la réputation du pays. Il suffit de voir les résultats du Cap-Vert à la « CAN des quartiers » en France pour s’en convaincre.

Le potentiel a toujours été là

Et pourtant… la sélection a longtemps manqué de références. Dans les années 2000, certains Capverdiens supportaient même le Portugal, s’identifiant aux stars comme Nani, alors à Manchester United, d’origine capverdienne.

Pourtant, les Requins Bleus existent déjà… mais ils n’ont alors que des dents de lait. Affiliée à la CAF depuis 1978, l'équipe ne décroche sa première victoire qu’en 2000, face au Liberia de George Weah (1-0, puis défaite 3-0 au retour). La faute à un vivier local modeste (525 000 habitants) et à des infrastructures et un système de formation embryonnaires. Quelques binationaux venus des divisions inférieures portugaises ou françaises rejoignent l’équipe à la fin des années 2000. Parmi eux, un certain Ryan Mendes, alors prometteur ailier du Havre… aujourd’hui capitaine expérimenté de la sélection.

L’ère Antunes : déjà bourreaux du Cameroun !

Il faut attendre les années 2010 pour voir les Requins sortir des eaux troubles. Malgré des moyens réduits, la Fédération s’organise et investit dans les jeunes. Menés par Lúcio Antunes, les U21 remportent les Jeux de la Lusophonie en 2009. Un an plus tard, l’homme encensé par José Mourinho qui l'avait supersivé lors d’un stage au Real Madrid prend les rênes de la sélection A.

Sous sa houlette, le Cap-Vert franchit un cap tactique. Autour de Ryan Mendes, l’équipe se structure avec Djaniny (Benfica), Júlio Tavares (Dijon), Odair Fortes (Reims), Héldon (Marítimo) et le capitaine Nando (Châteauroux).

En pleine progression, les Requins Bleus échouent de peu pour se qualifier à la CAN 2012, devancés à la seule différence de buts par le Mali. Mais le changement de calendrier de la CAN et leur fougue leur ouvrent la porte en 2013. En barrages, ils éliminent le… Cameroun (2-0 à Praia, défaite 2-1 au retour) et se qualifient pour leur première CAN, laissant les Lions Indomptables sur le carreau.

CAN 2013 : le déclencheur

En Afrique du Sud, les insulaires ne viennent pas pour faire de la figuration. Après un nul (1-1) contre le Maroc pour leur premier match, ils terminent deuxièmes du groupe derrière le pays hôte, éliminant les Lions de l’Atlas et leur rival lusophone, l'Angola.

L’aventure s’arrête en quart face au Ghana, mais peu importe : la sélection existe. Et va s’installer désormais comme un « poil à gratter » dans les vestes des cadors continent.

Petits “Requins” se sont fait les dents !

Tout au long des années 2010, le Cap-Vert perfectionne son modèle : organisation fédérale, mentalité « rien à perdre » et talents disséminés. Résultat : quatre participations à la CAN depuis 2013, avec trois sorties des poules.

Le style des Tubarões, mélange de grinta et de technique, dérange, et peut faire mal. Lors de la dernière CAN, ils battent le Ghana (2-1), accrochent l’Égypte (2-2) et ne s’inclinent qu’aux tirs au but en quarts de finale face à l’Afrique du Sud, futur 3e.

Dans l’effectif, des joueurs formés localement mais partis tôt en Europe côtoient des binationaux. Les vétérans Vozinha (39 ans), Ryan Mendes (35 ans), Garry Rodrigues (34 ans) encadrent une nouvelle vague plus jeune : Wagner Pina (22 ans), Dailon Livramento (24 ans, buteur face au Cameroun) ou le très prometteur Logan Costa (Villarreal, 24 ans). L'ex grand espoir du Sporting Jovane Cabral (27 ans) fait aujourd'hui figure de cadre.

De l’accident à l’exploit

Cependant, la régularité reste un défi. Le Cap-Vert va notamment manquer la prochaine CAN, éliminé par le surprenant Botswana. Mais en qualifications pour la Coupe du monde 2026, les insulaires ont redressé la barre.

Dans un groupe relevé avec l’Angola et le Cameroun, ils pointent en tête à une journée de la fin, après leur victoire sensationnelle à Praia. Mais la fête n'est pas encore totale : il leur reste à négocier un déplacement piégeux en Libye avant de finir face à l’Eswatini, lanterne rouge avec seulement deux points. Sauf accident face au petit pays d'Afrique australe, le rêve est à portée de main.

Une première qualification mondiale qui ne doit rien au hasard. Et le meilleur reste peut-être à venir : forts de cette qualification, le sélectionneur Bubista et sa Fédération peuvent espérer convaincre plusieurs binationaux talentueux dans la lignée de Bebé (ex-Manchester United), qui était là à la dernière CAN mais n'est plus appelé depuis, Thierry Correia (Valence), Chiquinho (Wolverhampton) ou Gonçalo Borges (Feyenoord). Mais surtout, une participation au Mondial pourrait générer les fonds nécessaires pour investir dans la formation et les infrastructures locales.

Car le parcours des Requins Bleus en est la meilleure preuve : sur les 565 000 habitants de l'archipel, il y a une bonne dose de talent à revendre.

Coupe du monde 2026 : le Cap-Vert à un pas de l’histoire, comment les Requins Bleus ont grandi

Louis Mukoma Fargues