Dans la nuit du 18 au 19 avril , un bateau de migrants a coulé au large de la Libye. Le bilan de ce drame est effroyable avec 800 personnes décédées. Un évènement qui a fait réagir le Lillois Rio Mavuba , né sur un de ces bateaux en direction de la France.
“Ça aurait pu être moi “. Voila les mots de Rio Mavuba lundi sur le plateau du Grand Journal de Canal Plus. Des paroles qui sont loin d'être dénuées de sens à l'observation de la vie du capitaine lillois. Une vie qui l'a vu naître dans une embarcation de fortune, pas bien différente de celle qui a coulé avec 800 migrants à son bord ce week-end.
Un bateau pour fuir la guerre civile
Si Rio Mavuba se trouvait sur ce bateau avec sa famille en ce 8 mars 1984 (jour de sa naissance), c'était pour fuir une chose : la guerre civile angolaise. Une guerre qui mettra aux prises le Mouvement Populaire de Libération de l'Angola (MPLA) à l'Union pour l'Indépendance Totale de l'Angola (UNITA). Un conflit débuté en 1975, au moment de l'indépendance de l'Angola, et officiellement fini en 2002. Derrière ce conflit national se joue aussi un affrontement entre les deux grands blocs, URSS et USA, en pleine guerre froide.
Les Soviétiques, La Corée du nord ou encore Cuba sont derrière le MPLA pendant que les Etats-Unis, Israël ou encore le Zaïre sont derrière l'UNITA.
Dès 1984 donc, la famille Mavuba (père congolais, mère angolaise) prend la direction de la France pour arriver à Bordeaux.
Papa, le foot et la France
Fils d'un international congolais double champion d'Afrique, Ricky Mavuba, le jeune Rio Mavuba va donc décider comme tous ses frères de taper dans la balle dès l'enfance. Avec un père qui aura ” un rôle de manager ” jusqu'à sa mort en 1997, le futur international est vite repéré par les Girondins de Bordeaux. Dès ses premiers pas au centre du Haillan, Rio Antonio fait montre à ses éducateurs de qualités qui font de lui un des meilleurs de sa catégorie.
Patrick Douence, éducateur sportif à l'époque témoigne : “Ils étaient quatre à sortir du lot. Pour faire carrière, il fallait avoir le mental, le talent, la chance et des qualités de jeu qui se développent plus vite que les autres“. Parmi ces quatre là, en plus de Mavuba, était présent un certain Mathieu Valbuena. Les deux hommes resteront très proches de nombreuses années avant de se brouiller.
A force de talent et de travail, celui qui met ses études de côté après l'obtention d'un Bac Pro comptabilité va être récompensé.
Premier match en janvier, première sélection en août
Alors qu'il joue milieu défensif comme son père, Rio débute en professionel le 10 janvier 2004 lors d'un déplacement des Girondins à Montpellier. Auteur de performances très intéressantes pour un jeune joueur de 20 ans à ce poste, qui normalement demande de l'expérience, plus aucun match de la saison ne se déroulera sans lui. Une ascension à vitesse grand V qui le verra intégrer l'équipe de France en août 2004 pour le premier match de Raymond Domenech en tant que sélectionneur face à la Bosnie (1-1). En huit mois à peine, celui qui était une promesse de Bordeaux est devenu un international en puissance. Rio a donc fait ce qu'il a toujours voulu : imiter son père.
Malheureusement, tout ne sera pas franchement rose au royaume des Bleus. Les débuts de l'équipe version Domenech sont chaotiques, sans Zidane (parti après l'Euro 2004) le milieu de terrain ne ressemble plus à grand chose. Après un nul sans saveur 0-0 face à l'Irlande, Mavuba est par exemple injustement critiqué par Jean-Michel Larqué. Un joueur de 20 ans devait-il être à ce moment-là le récupérateur titulaire d'une équipe qui vacille ? La réponse est clairement non. Pourtant cette piètre partition sera un caillou dans la chaussure du Bordelais.
Villarreal, seule erreur de parcours
A la suite de cette mauvaise prestation face au coéquipier de Robbie Keane, l'homme aux 154 matches sous le maillot au scapulaire ne reverra pas l'équipe de France de 2004 à mars 2007. Sa fin saison 2006-2007 ne reste pas comme un magnifique souvenir. Alors que de nombreuses rumeurs de transferts le concernent, les titularisations se font moindre. En juillet 2007, la décision est prise, c'est à Villarreal que la carrière du joueur de poche (1m72) va se poursuivre.
Demi-finaliste de la Ligue des champions l'année précédente, réputé pour toujours bien jouer au football, Rio va se plaire dans la banlieue de Valence tout le monde en est sûr.
Sauf que rien ne va se passer comme prévu. Plus souvent sur le banc que sur le terrain, celui qui a 23 ans à l'époque ne peut se contenter des 14 matches qu'il a rarement joué titulaire.
La Liga ne sera qu'un passage éclair dans sa carrière. Après une demi-saison c'est direction Lille et son LOSC ambitieux.
Une des bases du projet lillois
Le recrutement de l'ancien Bordelais fait partie de tout un projet lillois. Alors que la saison 2007-2008 se termine avec Claude Puel. Le bâtisseur du Nord part à Lyon pour enfin briller dans un grand club. Rudi Garcia arrive à l'intersaison 2008 pour lancer un nouveau projet. Celui qui doit placer Lille dans les forces vives de la Ligue 1, avec Rio Mavuba comme homme de base.
Une période faste pour l'ancien Girondin qui va réaliser le doublé coupe-championnat en 2011.
Avec lui comme capitaine du navire, et accompagné de joueurs tels que Cabaye, Gervinho ou encore Eden Hazard, les Nordistes vont devenir une référence de beau jeu et de résultats. Suite au départ de Rudi Garcia et l'arrivée de René Girard le statut des Dogues va changer. Si les résultats lors de la première saison restent convaincants, 3e en 2013-2014, le jeu minimaliste de l'ancien entraineur de Montpellier fait déchanter les supporters.
Cette saison, Lille n'a plus son lustre pourtant pas si lointain, occupant la huitième place du classement. Un exercice qui devrait être le dernier pour son capitaine sous le maillot rouge. Après 6 ans et demi passés face à l'Angleterre, le numéro 24 pourrait sauter le pas et rejoindre la Premier League pour tenter un dernier challenge, ou alors peut-être revenir à Bordeaux. Là où tout a commencé.
“Les orphelins de Makala” son combat
En dehors du football, le joueur présent à la Coupe du monde 2014 fait partie de cette petite caste des footballeurs engagés. Avec son association ” Les orphelins de Makala “, il a créé un orphelinat pour les enfants de la région de cette petite ville du Congo dont il est originaire. Une contribution qui symbolise cet homme au parcours atypique.
Rio est généreux et dévoué. Il ne fait pas partie de ceux qui se réveillent une fois les drames arrivés. S'il s'est déplacé de Lille pour venir parler de la mort des 800 migrants, ce n'est pas pour avoir une fausse image de gentil. Ce sont purement et simplement ses convictions. Celles d'une personne consciente de sa chance, de sa réussite et qui veut la partager avec le plus de gens possible.