Egypte: Quand un match de football tourne au drame

Plus de soixante-dix personnes sont mortes ce mercredi soir dans des violences à l'issue d'un match disputé à Port Saïd entre Al Masry et Al Ahly. Le championnat égyptien est suspendu.


Al Masry-Al Ahly (3-1). Première défaite de la saison pour les champions d'Egypte en titre. Mais le football est passé en arrière-plan lorsque l'arbitre siffle la fin de la rencontre.

C'est alors que des scènes d'une extrême violence éclatent dans le stade de Port-Saïd, dans le nord-ouest de l'Egypte: des supporters locaux lancent des pierres, des bouteilles et des fusées éclairantes contre ceux d'Al Ahly, déclenchant des émeutes dans les tribunes et sur la pelouse, envahie par des milliers de personnes. “Ce n'est pas du football, c'est la guerre, racontait Mohamed Aboutreika, le milieu de terrain d'Al Ahly sur la chaîne du club. Des gens meurent devant nous. Il n'y a pas de dispositif de sécurité, pas d'ambulances.” Le bilan s'est alourdi au fur et à mesure des dépêches. 25, 40, 50 puis 75 au moment où on l'on écrit ses lignes. Et un millier de blessés, laissant présager un bilan encore plus lourd.

C'est la plus grande catastrophe du football égyptienne, a réagi le ministre de la Santé, Hesham Sheiha. C'est malheureux et profondément affligeant.” Du côté des joueurs, on est forcément choqué. Ainsi, Mohamed Barakat, milieu international d'Al Ahly, assurait “ne plus jamais jouer au foot“. “Nous ne jouerons pas tant que justice n'aura pas été rendue, a-t-il expliqué. Des gens sont morts… Que voulez-vous que je dise? Des gens sont morts! On nous a jeté des pierres pendant le match et, malgré tout, l'arbitre a insisté pour que l'on continue à jouer. Je demande aux officiels qui voulaient tellement poursuivre le championnat pour une histoire d'argent: alors, vous êtes contents maintenant?

Les dirigeants d'Al Masry ont démissionné en masse

Le championnat égyptien a été mis sur pause pour une durée indéterminée. Sepp Blatter, le président de la FIFA, a apporté son soutien à l'EFA. “Je suis très choqué et attristé d'apprendre qu'un grand nombre de supporters de football sont morts ou ont été blessés ce soir, à la suite d'un match à Port-Saïd, en Egypte, déclare le dirigeant suisse. Mes pensées vont d'abord aux familles de ceux qui ont perdu la vie ce soir. C'est un jour noir pour le football. Une telle catastrophe est inimaginable et ne devrait pas se produire.

Mais qu'a-t-il bien pu se passer à Port-Saïd pour déclencher une telle vague de violences? Si les deux clubs cultivent une profonde rivalité, aucune de leurs précédentes confrontations n'avait dégénéré d'une manière aussi sanglante. Selon la presse égyptienne, des soupçons de manipulation planent sur cette rencontre, dans un contexte politique particulièrement tendu depuis la Révolution qui a conduit au départ de l'ancien président Hosni Moubarak. La passivité des forces de l'ordre, présentes dans la stade, aurait choqué un grand nombre de témoins. Et les Frères Musulmans, à travers le Parti de la liberté et de la justice, ont ainsi accusé les partisans de Moubarak d'être responsables des violences. Ces dernières auraient pu être dirigées contre les ultras d'Al Ahly, constitués majoritairement de jeunes ayant participé au mouvement de la place Tahrir, l'épicentre de la contestation.

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Ali Makhan