Gabon : Eric Mouloungui – « il y a beaucoup d’amateurisme au sein de la sélection »

Publié le par Yoro Mangara

Dans la seconde partie de cette interview exclusive accordée à Afrik-foot.com, l'ancien international gabonais Éric Mouloungui, passé notamment par l’OGC Nice regrette en particulier la situation délicate des Panthères dans la course à la qualification à la CAN sans épargner une Fédération et un sélectionneur qu’il juge « faibles ».

Interview réalisée par Yoro Mangara,

Évoquons maintenant l’équipe nationale du Gabon. Les Panthères étaient en tête avant la 5ème journée des qualifications à la CAN et cette défaite face à la RDC. Comment voyez-vous la situation, défavorable, avant la dernière journée de septembre ?

Je suis de ceux-là qui critiquent l’amateurisme dans notre football, particulièrement au sein de l’équipe nationale du Gabon. Vu les retours que j’ai, il y a vraiment beaucoup d’amateurisme. On était premier et là on se retrouve 3ème et pour le moment pas qualifié. On va devoir affronter la Mauritanie chez elle. Nous savons tous que cela ne va pas être évident de gagner à l’extérieur, devant leur public alors qu’eux aussi jouent la qualification. Ce n’est pas normal de se retrouver dans une telle situation.

On devait affronter deux fois le Soudan en mars. À ce moment-là, Aubameyang s’était mis en retrait de la sélection et le leader d’attaque du Gabon c’était Denis Bouanga. Je ne sais par quel arrangement, le sélectionneur nous dit s’être entendu avec son club de MLS pour le libérer avant le 2ème match. Donc le sélectionneur a négligé ce 2ème match pour se priver du meilleur atout offensif de notre pays. Derrière on a perdu et cela a rebattu les cartes dans ce groupe. C’est pourquoi je parle d’amateurisme, et d’un manque de sérieux. Là on se retrouve à la 3ème place, alors qu’on avait toutes les cartes en main. Il faudra une re-mobilisation totale et j’espère en tant que gabonais que mon pays se qualifie. Cela va être difficile mais je reste optimiste. On s’est mis des bâtons dans les roues.

Comment voyez-vous le fait que certains binationaux bénéficient de certains passe-droits, de primes spéciales dit-on pour venir en sélection ?

N’étant plus à l’intérieur de la sélection, mais si c’est avéré je parlerais de l’amateurisme même chez certains joueurs. Il y a une gestion calamiteuse qui a un impact sur le groupe. On voit comment le staff technique gabonais gère le groupe des Panthères. Ce qui s’est passé lors de la dernière CAN, jusqu’ici nous n’avons pas les véritables explications sur les raisons des départs d’Aubameyang et Lemina. Soi-disant qu’ils ont eu le Covid-19. Je me rappelle que deux jours plus tard Lemina joue avec son club de Nice. Le même week-end, le Gabon joue son premier match (victoire 1-0 face au Comores). Il y a quand même des aberrations. Le staff technique gabonais, en commençant par le sélectionneur national, n’a pas la mainmise sur son groupe. Pour ne pas évoquer les dirigeants qui sont autour de l’équipe nationale.

Aujourd’hui comment accueillez-vous les retours en sélection d’Aubameyang et Lemina depuis cet épisode ?

Ils ont été expulsés de la sélection, ils n’ont pas quitté volontairement le regroupement. On a décidé leur départ parce qu’ils avaient le Covid. Il y a des choses qui ne sont pas dites et j’espère qu’un jour la Fédération gabonaise et le sélectionneur pourront nous éclairer. En ce qui concerne leur retour, j’ai aussi été dans des groupes avec des joueurs influents, qui étaient des stars. Quand on a une Fédération forte, un sélectionneur national fort, les dérives n’arrivent pas. J’ai toujours dit que la Fédération gabonaise en tant qu’institution n’est pas forte, le sélectionneur national n’est pas fort. Et donc ils n’arrivent pas à gérer les cas de nos leaders. Je ne pense pas que ces joueurs se comportent d’une façon en club et viennent changer en équipe nationale. C’est un manque de maîtrise de son groupe, de ses leaders de la part du staff technique, donc du sélectionneur, et d’un autre côté une fédération pas forte parce que j’ai déjà eu par le passé un joueur comme Edmond Mouele qui a été écarté de la sélection pour un cas d’indiscipline. Alors que d’autres ont été indisciplinés mais n’ont pas été punis. Donc pour moi, Fédération pas forte et sélectionneur pas fort. Alors que c’est ce dont on a le plus besoin.

C’est dans ce sens qu’on va s’intéresser au rôle dévolu à Pierre Aubame, papa de Pierre-Eymerick Aubameyang. Comment appréciez-vous sa présence dans cette sélection ?

Je ne peux vous le cacher, je ne sais même pas quel est son rôle. Je sais qu’il est manager général de l’équipe nationale mais son rôle exact je l’ignore. Je ne sais pas qu’est-ce qu’il fait exactement au sein des Panthères. Je trouve juste que lors des matchs, il est juste à côté du sélectionneur. Alors que le sélectionneur adjoint se retrouve à trois places après. Ce sont des aberrations que je vois lorsque je regarde nos matchs.

« Cette Fédération est aux abonnées absentes »

On soupçonne certaines ingérences du gouvernement au sein de la Fédération gabonaise. Que pouvez-vous dire à ce sujet ?

Je ne pense pas qu’un politique décide qu’un joueur doive jouer. Mais c’est un secret de Polichinelle, nous savons c’est l’Etat gabonais qui paie notre sélectionneur et peut-être qu’inconsciemment (…) Je trouve notre Fédération un peu trop en retrait, au niveau de sa communication entre autres. L’exemple de l’élimination de la sélection U23 du Gabon, on n’a jamais eu de communication de la Fédération. Lorsque je regarde cette Fédération est aux abonnées absentes. Mais même si c’est l’Etat qui prend en charge le salaire du sélectionneur, je pense quand même que ce dernier a été choisi par la Fédération.

Pour terminer, revenons à cette triste affaire de pédophilie révélée dans le football gabonais et qui avait impliqué le président de la Fédération Alain Mounguengui. Comment l’avez-vous vécu ?

Je l’ai très mal vécu. Ayant été footballeur, ayant commencé le football très jeune au niveau local, c’est une chose que je condamne fermement. La pédophilie doit être bannie de ce milieu. Tous ceux qui sont cités dans cette affaire devaient être automatiquement écartés des sélections et des instances de notre football jusqu’à leur jugement. Malheureusement cela n’a pas été le cas.

Gabon : Eric Mouloungui – « il y a beaucoup d’amateurisme au sein de la sélection »
Yoro Mangara

Journaliste, passionné de foot et grand défenseur du football africain.