On a assez râlé contre la dépendance de la CAF à la FIFA. Alors, quand on apprend que la Coupe du monde des clubs pourrait ne pas avoir lieu en juin 2025, on est en droit de se demander si la CAN 2025 n’a pas été sacrifiée pour rien…
Revenons un instant sur une insupportable attente. Alors même que la CAN en Côte d'Ivoire venait enfin de se disputer début 2024, on s’agaçait de ne pas avoir la date de la CAN suivante.
Au-delà des critiques légitimes de l’inaction de l’organisateur CAF, notre gêne se mêlait à la consternation en imaginant bien ce qui se tramait derrière cette incroyable attente. Aucun organisateur ne peut décemment laisser un événement sans date. C’est un élément essentiel du succès d’une compétition. Et, même si la CAF s’est fait une spécialité en délocalisation, report, décalage, voire « glissement », on ne comprenait pas.
En effet, le choix du Maroc laissait penser que, pour une fois, l’organisation de la CAN pourrait se passer sans l’ombre d’un problème. Avec l’assurance d’avoir un pays organisé et parsemé de stades souvent neufs ou refaits en vue de la Coupe du monde 2030. Nous n’avions donc aucune espèce d’inquiétude sur l’édition Maroc 2025. Sauf que la date ne voulait pas sortir…
L’incroyable attente…
Et, malheureusement, on savait très bien pourquoi. Bien sûr, l’organisation au Maroc laissait entendre que la date pourrait revenir à l’été 2025. Sauf que, à cette même période, le président de la FIFA Gianni Infantino, grand « ami » de l’Afrique mais ennemi de la CAN 2025 en cette occasion, voulait caser son projet Coupe du monde des clubs. Et, tant que celle-ci n’était pas officialisée, on assistait à l’incroyable spectacle d’une CAF attendant docilement de savoir quand elle pourrait organiser sa CAN. A l’été 2025 si la FIFA renonçait. Ou quand elle le pourrait dans le cas contraire…

Ne croyez pas non plus que la CAF et la FIFA étaient en bisbilles sur le sujet de la date. C’est même tout le contraire. La CAF est au soutien de la FIFA dans sa guerre commerciale contre l’UEFA. Cela fait bien longtemps que Gianni Infantino flirte avec le business du football de clubs. Dès son arrivée à la FIFA, il avait regretté que l’instance mondiale ne dispose de revenus qu’une fois tous les quatre ans à l’occasion de la Coupe du monde masculine. Parallèlement, il savait mieux que quiconque (il était secrétaire général de l’UEFA auparavant) que l’UEFA générait bien plus d’argent grâce à la Ligue des Champions sur quatre années.
Devenu président de la FIFA, Gianni Infantino s’est donc mis très tôt en tête de récupérer le business du foot de clubs. Il lui fallait le Real, le Bayern et les clubs anglais dans son périmètre. Un premier ballon d’essai ne convainquait personne. Surtout, l’UEFA (avec son allié CONMEBOL pour l’Amsud) s’était directement opposée à cette concurrence directe.
FIFA contre UEFA !
Alors la FIFA lâchait subrepticement une deuxième idée en forme de provocation : organiser la Coupe du monde tous les deux ans ! Idée « géniale » qui recevait immédiatement un soutien massif de la…CAF. Et toujours l’opposition de l’UEFA et de la CONMEBOL. Et pour cause ! Une telle Coupe du monde aurait remis en cause directement l’Euro et la Copa America. Tellement impensable que je n’imagine pas un instant que le président suisse de la FIFA ait cru un instant cette hypothèse crédible. Mais la tactique était cachée…
A preuve, une fois le refus avéré devant cette idée saugrenue, ressurgissait comme par hasard la Coupe du monde des clubs avec 12 clubs européens. Un peu coincée, l’UEFA se faisait moins rétive, ne pouvant dire non tous les quatre matins… Quant à la CAF, toujours dépassée par les événements, elle continuait de soutenir une initiative qui allait pourtant lui nuire clairement.
L’attente continuait, en effet, de décrédibiliser l’instance continentale africaine. Surtout, l’embouteillage du calendrier se précisait lorsque la FIFA évoqua sa Coupe du monde pour juin 2025 aux Amériques. Soit la date présumée de la CAN au Maroc…
La CAF pouvait-elle passer outre et organiser la CAN en parallèle ? Même pas en rêve quand on sait le poids de l’Egypte dans l’histoire de la CAF. Demander à l’Egypte de disputer la CAN sans les joueurs du Al Ahly, pris par la Coupe du monde des clubs, relevait du « casus belli ». Alors, lorsque la Coupe du monde des clubs a été officialisée, la CAN s’est retrouvée sans date.

On a donc commencé à évoquer une CAN sur juillet-août dans la foulée de la Coupe du monde des clubs. Autant s’attendre à des forfaits des meilleurs joueurs africains, ceux présents dans les grands clubs européens qui auraient bien du mal à enchaîner les deux épreuves. Puis, on s’est reporté sur janvier/février 2026 en craignant une nouvelle levée de bouclier de l’Europe.
En route pour une CAN tous les quatre ans
Ce n’est pas que de la mauvaise foi à l’occidentale. Après tout, c’est bien la CAF qui a raconté en 2017 l’histoire d’une CAN qui passait en été. Depuis, une seule édition s’est déroulée en juin-juillet (Egypte 2019) ! De plus, la CAN se retrouvait à nouveau dans un mode mineur quelques mois avant la Coupe du monde. Une configuration connue jusqu’en 2010 et qui avait amené la CAF à passer en années impaires.

Surtout, profitant du vide, l’UEFA avait avancé sa réforme de la Ligue des Champions en s’octroyant deux dates (les deux dernières journées de la phase régulière) en janvier/février. En plein dans la période CAN… A se demander si tout cela n’avait pas pour but de faire céder la CAF et d’évoluer vers une CAN tous les quatre ans en commençant par la reporter à 2027…
Finalement, la CAF négociait dans les pires conditions et trouvait une date inédite et bancale sur noël 2025, en plein « Boxing day » anglais… De quoi faire râler la planète du football entière et prouver que, avec des amis comme la FIFA, la CAF n’a guère besoin d’ennemis.
La CAN 2025 en juin ?
Mais, la semaine passée, les premières rumeurs indiquaient que la FIFA serait sur le point de renoncer à sa Coupe du monde des clubs. Pour aider la CAN ? Vous n’y pensez pas ! Alors plutôt pour répondre aux premières polémiques sur les cadences infernales pour les grands joueurs mondiaux qui n’ont plus de vacances avec Coupe du monde, coupe continentale (Euro, Copa America, CAN…) et, maintenant, cette nouvelle Coupe du monde des clubs ? Point du tout.

Simplement, la FIFA est en train d’expérimenter les limites actuelles des marchés télés et partenaires. Elle croyait attirer de nouvelles ressources ressemblant à ce qu’elle obtient pour la Coupe du monde. Mais télés et sponsors ont tôt fait de la ramener sur terre. Du coup, devant ces vents contraires, la FIFA envisage sérieusement de reporter cette épreuve et d’en rester à une coupe petit format, bien loin du grandiloquent tournoi à 32 équipes (dont 12 européennes, soit tous les grands clubs actuels) des six confédérations continentales prévu de s’étaler du 15 juin au 13 juillet prochains.
Bien sûr, rien n’est encore officiel. Mais on est en droit de se demander si la CAF ne s’est pas fait flouer une fois de trop. Et si la CAN n’avait pas été sacrifiée pour rien. Certes, si la date redevenait libre, la CAF et le Maroc pourraient encore redéplacer la CAN en juin. Mais une épreuve a besoin de stabilité et de lisibilité. Un nouveau changement serait-il vraiment porteur ?
On voit surtout que la dépendance de la CAF envers la FIFA ne produit guère de bienfaits. C’est bien la FIFA qui avait poussé l’administration Ahmad à déplacer la CAN en été pour faire plaisir aux clubs européens. Et les amadouer pour sa fameuse Coupe du monde. Un four ! C’est encore elle qui avait convaincu la CAF d’abandonner le contrat TV avec Lagardère, l’assurant qu’elle leur amènerait bien mieux. Aujourd’hui, c’est cette même FIFA qui est prête à renoncer à sa Coupe du monde des clubs parce qu’elle ne trouve pas les contrats TV et partenaires nécessaires… Et, pendant ce temps-là, la CAF a lâché la date idéale pour la CAN 2025 !
Et on à reporté la CAN au Maroc pour ça n’est-ce pas ? 🤦🏿🤦🏿🤦🏿 https://t.co/HG56pQ1w3F
— Demba Ba (@dembabafoot) September 26, 2024
En ce cas, on pourra dire que la CAN, l’épreuve majeure du foot africain, aura été sacrifiée pour rien. Remarquez, la CAF pourrait demander un dédommagement justifié à la FIFA… Mais on parierait plutôt sur un nouveau soutien inconditionnel de la CAF à une FIFA qui vient pourtant de torpiller sa principale, voire unique, source de revenus, la CAN ! Toxique affaire…